#296 « Pourquoi garder son cœur dans la lumière du Saint Esprit ? »

Pour commencer, j’aimerais vous proposer un point spirituel pour les jours à venir. Comment garder son cœur ? La « garde du cœur » est peu enseignée de nos jours. Pourtant la garde du cœur appartient à la vie spirituelle afin de ne pas être envahi de pensées négatives ou troublantes. Nos sens captent toutes sortes d’informations. Nos yeux sont très sollicités par les écrans. Nos oreilles sont soumises à une multitude de sons, parfois violents. Tout ce que nous voyons, entendons ou touchons, s’inscrit dans la mémoire, envahit notre imaginaire. La sur sollicitation de nos sens ne permet pas à l’intelligence d’analyser et de filtrer pour ne retenir que ce qui est bon et juste. Cela n’est pas un hasard puisque les applications qui les proposent cherchent l’addiction. En effet, avec son smartphone, on peut devenir addict aux contenus vidéo comme pour la drogue ou l’alcool. Au IVe siècle, Evagre le Pontique enseigne cette garde du cœur en disant « Sois attentif à toi-même, sois le portier de ton cœur et ne laisse aucune pensée y entrer sans l’interroger. » Jean Damascène, au VIIIe siècle quant à lui, explique: « Que les pensées nous troublent ou pas fait partie des choses qui ne dépendent pas de nous. Mais qu’elles demeurent ou pas en nous, qu’elles suscitent les passions ou pas, cela fait partie de ce qui est en notre pouvoir ». Il est de notre responsabilité de demeurer libre et impassible face aux agressions médiatiques. Nous sommes les portiers de nos mémoires et de nos âmes et il nous appartient de refuser fermement qui nous troublera longtemps, particulièrement les images nauséeuses et impures, les pensées de haine ou de rancœur, les idées noires et tristes. Aussi, je vous propose pour les prochains jours une sorte de vigilance. Cela résonne avec une autre parole de l’Écriture sainte : « que votre parole soit “oui”, si c’est “oui”, “non”, si c’est “non”. Ce qui est en plus vient du Mauvais. » (Mt 5,37) Faire un examen de conscience le soir, en relisant notre journée peut être une bonne façon d’avoir une vision claire de notre garde du cœur. Notre paix dépend de ce qui nous habite. Nous refusons les inspirations du malin et prenons la ferme résolution d’avancer joyeusement à la suite du Christ. 

Après ce conseil spirituel, je souhaite lire avec vous le document du Vatican qui prépare le synode sur la synodalité qui s’ouvrira en octobre à Rome durant quatre semaines. La mission de l’Église est en jeu, elle est portée par tous les baptisés, chacun selon ses charismes, sous la conduite des pasteurs, les prêtres, et avec la participation et la créativité de chacun. Ce document fait suite aux travaux des diocèses du monde entier, puis de la première rencontre à Rome. Regardons ensemble son introduction. On peut y trouver trois thématiques principales : la synodalité comme chemin de conversion, la participation des femmes et l’écoute et le dialogue spirituel. Essayons d’en saisir quelques aspects. 

La synodalité est présentée comme un processus essentiel de réforme et de conversion pour l’Église. L’objectif est de la rendre plus ouverte à l’action du Saint-Esprit en favorisant la communion et l’unité, en vue de la mission. Le texte s’ouvre par une citation du prophète Isaïe  : « le Seigneur de l’univers préparera pour tous les peuples, sur sa montagne, un festin de viandes grasses et de vins capiteux, un festin de viandes succulentes et de vins décantés. » (Is 25,6). La description de ces mets exprime la qualité de la communion, c’est un symbole de convivialité. La joie découle de ces relations établies en Christ dans l’amour. Le texte précise un but : « à travers son Église, guidée par son Esprit, le Seigneur veut raviver l’espérance dans le cœur de l’humanité, restaurer la joie et sauver tout le monde, en particulier ceux dont le visage est baigné de larmes et qui crient vers lui dans l’angoisse. » Pour cela, le synode est une condition de cette communion puisqu’il s’agit de marcher ensemble, solidairement, les uns avec les autres, dans la complémentarité de tous les états de vie. En effet, « tout le Peuple de Dieu est le sujet de l’annonce de l’Évangile. En lui, chaque baptisé est appelé à être protagoniste de la mission, parce que tous, nous sommes des disciples missionnaires ». « Cela signifie ensuite apprendre à nous accompagner les uns les autres en tant que membres d’un peuple pèlerin traversant l’histoire en chemin vers une destination commune : la cité céleste. » Le texte cite saint Augustin qui compare la vie chrétienne à un pèlerinage solidaire, une marche ensemble « vers Dieu, non pas avec les pieds, mais avec l’amitié » à la suite du Christ, dans la puissance du Saint-Esprit. 

Nous devons toujours nous remémorer la question fondamentale posée par le synode : « Comment être une Église synodale en mission ? » Un fruit des étapes précédentes du synode, commencé pour mémoire à l’automne 2021, est « une conscience plus profonde de notre relation de frères et sœurs en Christ, avec la responsabilité commune d’être une communauté de sauvés qui proclame la beauté du Royaume de Dieu au monde entier, par la parole et par la vie. » L’Église existe pour évangéliser et annoncer la destinée ultime de toute vie humaine qui est la vie éternelle en Dieu. Pour annoncer l’Évangile aux nations, nous avons besoin d’être guidés et l’Esprit est notre guide. Sa voix passe en premier par le magistère de l’Église grâce à l’enseignement des évêques, des docteurs et des saints. Sa voix passe aussi par chacun des baptisés, inspiré comme le fut le jeune garçon Daniel qui sauva de la mort Suzanne, femme fidèle à la loi divine et à son époux. Cela suppose que les baptisés soient des priants et des adorateurs afin d’entendre les murmures de l’Esprit Saint. 

La méthodologie synodale repose sur le concept de la « conversation dans l’Esprit », un processus de discernement spirituel collectif qui permet aux baptisés de s’engager dans un dialogue profond, centré sur la prière et l’écoute de l’Esprit Saint. Le texte dit que « la pratique de la conversation dans l’Esprit a permis d’expérimenter l’interconnexion profonde entre l’écoute de la Parole de Dieu et l’écoute des frères et sœurs. Cette dynamique ouvre progressivement à la perception de la voix de l’Esprit ». Ce processus a été expérimenté dans les phases locales et continentales du synode. Il met l’accent sur la collaboration et la participation active des laïcs, des clercs et des religieux. L’écoute attentive et priante des différents points de vue, en particulier ceux des plus marginalisés, est essentielle pour que l’Église continue à évoluer dans sa mission. Le pape François appelle à cette écoute humble et à un discernement qui se fait en communauté, soulignant que le dialogue spirituel est au cœur de la transformation synodale. Déjà des églises locales et des conférences épiscopales annoncent des changements dans leurs processus de travail et de discernement. Se mettre ensemble à l’écoute du Saint-Esprit est un acte de foi que nous posons ensemble dans la confiance que l’Esprit parle et agit : le Christ nous l’enseigne et nous l’a promis. Croyons-nous que l’Esprit est le protagoniste de l’activité missionnaire de l’Église ? Comprenons que si nous ne sommes pas convaincus de l’œuvre de l’Esprit dans la vie ecclésiale, alors nous construirons une vie de communauté en nous appuyant sur nos propres certitudes et nos propres forces. Or quelle force humaine peut être plus féconde que celle de l’Esprit ? Sans l’Esprit, comment connaître les pensées de Dieu, souvent si éloignées des nôtres ? Nous risquerions de nous fatiguer jusqu’à l’épuisement pour bâtir un modèle pastoral à la mesure de nos idées, certes fécondes, mais néanmoins limitées. C’est pourquoi la conversation dans l’Esprit appelle une remise de soi à l’Esprit saint. Par notre écoute spirituelle et notre abandon à la volonté de Dieu, nous expérimenterons que Dieu ouvre la route. En effet, l’Esprit défriche et bâtit l’Église, il inspire le Magistère, il suscite la sainteté des fidèles, il protège de l’ennemi, il rassemble le corps du Christ, l’Église. 

Revenons à la garde du cœur puisque cette belle attitude spirituelle est justement celle qui nous gardera dans l’humilité. Cette vertu n’exige pas que nos talents soient enfouis, mais qu’ils soient utilisés au service de l’œuvre de l’Esprit. Garder son cœur des ambitions humaines, des présomptions chez celui qui croit toujours tout savoir, des désenchantements qui peuvent jeter à terre nos bons élans missionnaires, des critiques si aisées sur les autres, cela est une nécessité pour ne pas faire obstacle à l’œuvre de Dieu. Si le cœur est une place nette, alors l’Esprit vient et illumine la vie du croyant, alors il est possible d’entendre ses appels et de saisir ses motions intérieures afin de les mettre en œuvre ensemble. Le pasteur qui est le prêtre trouve dans ces conditions des frères et des sœurs riches de talents et zélés pour la foi. Il leur donne le Christ par son enseignement et sa prédication, par les sacrements qu’il célèbre tout en faisant pleinement confiance en leur créativité et leur sens des responsabilités pour mettre en route projets missionnaires et animations pastorales. Dans ces conditions, la joie jaillit, la communauté grandit, chacun et particulièrement les nouveaux venus et les recommençants sont invités à la table commune et l’enrichissent de la nouveauté qu’ils communiquent. 

Une prochaine fois nous continuerons notre lecture de ce document du magistère en vue de la nouvelle phase romaine du synode. Nous prions dès à présent pour les baptisés, les consacrés et les clercs qui sont convoqués à Rome avec nos évêques durant quatre semaines en octobre pour continuer ce travail. Je vous propose de les confier en reprenant la prière donnée pour ce synode : 

Nous marchons vers toi, Seigneur,

avec nos joies et nos blessures.

Nous n’avançons pas au même rythme,

mais la soif de ta parole nous guide.

Qu’elle nous éclaire et nous rassemble 

au carrefour des cultures et des convictions.

L’écoute nous ouvre une nouvelle route :

partage fraternel de la foi qui nous unit,

accueil bienveillant de ce qui nous manque.

Nous psalmodions les chants de nos ancêtres

en cheminant avec la petite sœur espérance.

Debout, nous rompons le pain à l’auberge pascale. 

Tu marches avec nous sur nos chemins d’Emmaüs ;

nous sommes les membres vivants de ton Corps.

Envoie ton Esprit de communion et de paix ; 

qu’il nous renouvelle dans le silence de ta présence.

Garde-nous dans l’amour miséricordieux du Père ;

apprends-nous l’unité dans la diversité. Amen.