#295 « Comment parler de l’indulgence aujourd’hui ? »

« Monsieur l’agent, s’il-vous-plaît, montrez-vous indulgent ! », voici ce que certains osent dire à un gardien de la paix alors que ce dernier les interpelle pour une infraction routière. Que veut dire ce mot « indulgent » ? Dans le dictionnaire, on lit : « qui excuse, qui est enclin à comprendre et à pardonner les fautes d’autrui ». Nous trouvons comme synonymes les mots clémence, longanimité et encore mansuétude. Le plus bel exemple d’indulgence dans le Nouveau Testament est celui du bon larron pardonné par Jésus. Cet homme a reconnu le mal qu’il a commis et a exprimé sa contrition en sollicitant son indulgence par ces mots « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. » (Lc 23,42) La réponse a jailli des lèvres de Jésus : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. » Si la justice des romains avait condamné à mort cet homme pour des fautes possiblement graves, Dieu le pardonnait à cause de son amour manifesté envers le maître qui savait toucher les cœurs, les invitant à faire la vérité sur leur vie et à se convertir. Alors les pharisiens et les scribes attachés aux rites et aux pratiques de manière stricte étaient pris à contrepied par la miséricorde divine offerte au pauvre de cœur. Jésus appliquait explicitement la première des béatitudes « Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux. » (Mt 5,3)

Jésus n’a pas promis que nous entrerions au Ciel aisément. Il a multiplié les avertissements : « entrez par la porte étroite. Elle est grande, la porte, il est large, le chemin qui conduit à la perdition ; et ils sont nombreux, ceux qui s’y engagent. Mais elle est étroite, la porte, il est resserré, le chemin qui conduit à la vie ; et ils sont peu nombreux, ceux qui le trouvent. » (Mt 7,13-14). Ou encore « il est plus facile à un chameau de passer par un trou d’aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume des Cieux. » (Mt 19,24) Nous trouvons d’autres paroles en ce sens. Faut-il alors désespérer de notre Ciel et du salut pour nous-mêmes et pour ceux qui nous ont précédé dans la mort ?

Face au sérieux de la question, l’Église regarde le doux visage de Jésus miséricordieux. C’est lui seul qui nous a obtenu le salut par le pardon des péchés et l’offrande de sa vie sur la Croix. Saint Paul l’exprime bien en ces termes : « tous les hommes ont péché, ils sont privés de la gloire de Dieu, et lui, gratuitement, les fait devenir justes par sa grâce, en vertu de la rédemption accomplie dans le Christ Jésus. Car le projet de Dieu était que le Christ soit instrument de pardon, en son sang, par le moyen de la foi. C’est ainsi que Dieu voulait manifester sa justice, lui qui, dans sa longanimité, avait fermé les yeux sur les péchés commis autrefois. Il voulait manifester, au temps présent, en quoi consiste sa justice, montrer qu’il est juste et rend juste celui qui a foi en Jésus. » (Rm 3,23-26)

Non seulement il accueille les petits et ceux qui se convertissent, mais il demande aux apôtres de délier leurs compatriotes de leurs péchés : « tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel. » (Mt 18,18) Ainsi est exercé le pouvoir des clés que Jésus a remises à saint Pierre pour ouvrir le chemin du Ciel. Les apôtres reçoivent la mission et le pouvoir d’ouvrir la porte du Royaume. C’est avant tout par le sacrement du pardon que ce pouvoir s’exerce, en réponse aux mots de Jésus : « À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. » (Jn 20,13) L’ouverture de la porte du Ciel est ainsi liée au pardon donné par l’entremise des apôtres, donc des évêques qui leur succèdent aujourd’hui et aux prêtres qui reçoivent cette mission au nom de leur évêque afin de permettre à tous d’accéder à ce sacrement. 

Il faut aller un peu plus loin car si nous sommes réjouis par cette bonne nouvelle du pardon et du salut, chacun de nous aura à rendre compte de sa vie et de ses péchés en passant par la mort du corps et en entrant dans la vie éternelle. Ce jugement personnel sera comme un narthex vers la Jérusalem céleste où les sauvés bénissent Dieu éternellement et sont plongés dans un amour infiniment présent. Dans le livre des Maccabées, on demande aux juifs de prier pour les soldats morts au combat sur qui on a trouvé des amulettes liées à des pratiques religieuses idolâtres. Ainsi, on espère qu’ils pourront rapidement obtenir la paix éternelle. La prière des croyants a donc un rôle important pour la vie après la mort, et nous comprenons que ces défunts n’ont pas encore obtenu le repos mais doivent être purifiés. C’est cette peine consécutive à leurs péchés que l’on appelle le purgatoire, mot qui vient du latin purgare, c’est-à-dire nettoyer et purifier. Pour illustrer cela, nous pourrions reprendre l’image de la grotte sombre qu’un homme quitte et qui est aveuglé par le soleil. L’Amour divin sera ainsi lumineux, et chacun devra souffrir cette accoutumance à l’Amour faute de l’avoir suffisamment accueilli dans sa vie terrestre. 

Maintenant revenons à notre indulgence dont a bénéficié si promptement le bon larron. Ce pouvoir de délier, l’Église l’a reçu du Christ et le communique encore lors d’événements importants pour lesquels les fidèles s’associent par leur dévotion et leur profond désir de conversion. Le droit canonique de l’Église présente ainsi l’indulgence : « L’indulgence est la rémission devant Dieu de la peine temporelle due pour les péchés dont la faute est déjà effacée. Le fidèle bien disposé obtient cette rémission sous certaines conditions déterminées, par l’action de l’Église qui, en tant que dispensatrice de la rédemption, distribue et applique avec autorité le trésor des satisfactions du Christ et des saints. » (CIC 992) Ainsi lors de jubilés, comme celui de l’Espérance à Rome en 2025, mais encore celui des 1000 ans de la crypte de notre cathédrale, il est possible de demander l’indulgence plénière en premier lieu pour un défunt afin que sa peine du purgatoire soit supprimée par les mérites du Christ. Il y a pour cela des conditions, c’est-à-dire des démarches à vivre dans la foi pour demander cette indulgence : effectuer avec foi le parcours jubilaire, prier aux intentions du saint Père, professer sa foi, recevoir le pardon de ses péchés et communier au précieux corps de Jésus. Cette indulgence peut aussi être demandée pour soi-même afin que soit effacée la peine temporelle liée à ses propres péchés pardonnés, afin de faciliter son chemin de purification dans la vie présente et après la mort. Mais elle ne peut pas être demandée pour une tierce personne vivante car chacun doit faire son propre chemin de conversion et de demande de pardon (CIC 994).  

Jésus insiste tellement sur la miséricorde que nous devons nous réjouir de cette possibilité de libération. Comprenons qu’elle nous engage et qu’elle demande de notre part un choix de vie évangélique sérieux. Elle peut libérer une âme détenue au purgatoire dans l’attente douloureuse de voir Dieu. L’Église prie ainsi souvent pour les âmes du purgatoire, celles de personnes mortes dans l’anonymat et pour lesquelles personne ne prie nominativement. Jésus parle d’une situation de souffrance « là où il y a des pleurs et des grincements de dent » (Mt 25,30). Aujourd’hui, parler de l’indulgence n’est pas chose aisée tant cette notion a été écartée dans la pastorale. Les erreurs du passé, comme la vente d’indulgences dans un but lucratif, ont sans doute conduit à une perception négative de l’indulgence. Mais nous ne pouvons pas négliger ce cadeau merveilleux qui peut être annoncé dans l’évangélisation d’amis et de proches car c’est une expression de la bonne nouvelle. L’Église peut rejoindre ainsi des personnes touchées par le décès d’un parent et habités par la crainte de son salut. Proposer de vivre le parcours jubilaire n’est-ce pas un cadeau à faire ? 

Prions volontiers la prière mariale produite pour le jubilé de Chartres, qu’elle vous soutienne chacun dans la foi et l’espérance que nous cultivons en découvrant combien la miséricorde divine est belle et destinée à tous. 

Notre-Dame de Chartres, Ô ma très douce Mère,

Je viens comme un enfant, et en toute confiance,

Dans un profond respect, je m’incline devant vous

Abritez-moi sous votre voile de tendresse.

Répandez votre amour, sur tous ceux qui vous prient

Portez nos intentions, à Jésus votre fils.

Mère souveraine et tendre, obtenez-nous les grâces

(Nommer les grâces) que nous vous demandons.

Consolez ceux qui pleurent, touchez le cœur des pécheurs,

Préservez les familles, protégez les enfants,

Soulagez les malades, visitez les personnes isolées

Soutenez l’Eglise et encouragez les chrétiens,

Donnez-nous de saints prêtres et fortifiez-les.

Apportez la Paix à notre monde et dans le cœur de chacun.

De votre crypte, Notre-Dame de Sous-Terre,

Soyez la médiatrice de toutes les grâces !

De votre trône sacré, Notre-Dame du Pilier,

Soyez la dispensatrice des trésors célestes !

Ô Vierge Immaculée, mère de Dieu et mère des hommes,

Soyez ma mère pour la vie en ce monde et pour l’éternité.

Je me donne à vous, accueillez-moi pour que,

Enfanté par vous, je ressemble à Jésus pour toujours.

Amen