#279 « Le temps liturgique ordinaire n’est-il pas merveilleux ? »

Depuis des semaines, la vie liturgique est allée crescendo, en commençant par le carême, en vivant la passion et la résurrection de Jésus, en parcourant le temps pascal au rythme des missions réalisées par les jeunes disciples de Jésus que nous rapportent les Actes des Apôtres. Les lettres de saint Jean nous ont permis d’entrer dans son intime quête de Dieu, insistant sur le mot « demeurer » pour dire combien notre vocation est de « demeurer en Jésus ». Ainsi nous sommes gardés du mal. Nous nous étions préparés à l’effusion de l’Esprit promise à l’occasion de la fête de Pentecôte. Nous avons prié pour recevoir ses dons. Nous nous sommes disposés à être envoyés en mission conformément à notre vocation baptismale. Or maintenant, nous voici entrés dans le temps dit « ordinaire ». Ce mot « ordinaire » pose question car il évoque quelque chose d’habituel, de normal, nous pourrions dire de banal. Pourtant ce que nous nommons ainsi n’a rien de banal, c’est même plutôt l’inverse puisque c’est le temps permanent de l’Espérance chrétienne, c’est la continuité de la mission de Jésus dans son Église, c’est l’envoi vers « toutes les nations » qui se déploie. Ainsi, le temps liturgique dit ordinaire est merveilleux. Or ce merveilleux dépend de la grâce divine qui ne saurait manquer lorsque notre assentiment personnel à l’appel de Jésus est total quand le Christ nous dit : « debout, je t’appelle ! » Avec l’effusion de l’Esprit, avons-nous pris des forces pour la route ? Sommes-nous disposés à vivre une vie missionnaire nouvelle ? Jésus a-t-il la première place dans notre vie au point que nous ne pouvons pas taire ce que nous avons vu et entendu de lui ?

Nous sommes encore dans un mois marial, le mois de mai, le mois des roses. La Vierge Marie a vécu une vie ordinaire à Nazareth, dont on ne sait rien, si ce n’est qu’elle participait en famille au grand pèlerinage à Jérusalem. Mais cet ordinaire fut l’espace de l’éducation de Jésus puis de la vie simple d’un couple avec un enfant dont le père était charpentier. Au sein de ce foyer se vivait néanmoins une relation extraordinaire avec Dieu le Père. Aujourd’hui, la Vierge Marie est donnée comme mère à chacun de nous. En la priant avec le chapelet et d’autres belles prières, faisons de sa simplicité une règle de vie afin d’imiter la sainte Famille en vue d’une vie d’amour et de tendresse, de partage et de foi.

Dans quelques jours, nous serons au mois de juin. C’est le mois du Sacré-Cœur, une fête extraordinaire établie par l’Église Catholique afin de louer Dieu dans l’action de grâce pour l’amour infini qu’il nous porte, pour sa miséricorde c’est-à-dire la force du pardon face à nos misérables péchés, pour son amour brûlant quand nous sommes blessés par le mal diffusé en cette société si éloignée de Dieu. Le Sacré-Cœur est un phare lumineux sur la route des hommes. Il n’est pas étonnant que certains anticléricaux aient voulu que soit démolie la basilique de Montmartre qui rappelle comment Dieu a sauvé la France en 1870. Son édification fut le fruit d’un vœu fait en référence à une promesse faite par Alexandre Legentil et Hubert Rohault de Fleury, deux hommes de foi catholique, pendant la guerre franco-prussienne de 1870. Ils avaient promis de construire une église dédiée au Sacré-Cœur si la France était épargnée par l’invasion prussienne et si Paris n’était pas touché par la guerre. Je vois avec bonheur que des paroisses organisent des pèlerinages à Montmartre soit pour des jeunes à l’occasion d’un nouveau sacrement, soit pour des fidèles adultes. Il est possible d’y loger la nuit afin d’adorer, ce qui est toujours une expérience spirituelle marquante.

La piété envers le Sacré-Cœur peut apparaître comme une simple dévotion, pourtant c’est le don absolu d’un Amour qui ne cesse jamais d’aimer et dans lequel nous pouvons nous blottir pour trouver la paix et la force de vivre ce qui est difficile. À sainte Marguerite-Marie, Jésus annonce, en montrant son cœur : « voici ce cœur qui a tant aimé le monde ». Saint Jean dit comment Dieu a aimé le monde, c’est-à-dire « jusqu’à lui donner son propre Fils ». Le Fils s’est fait homme en embrassant notre condition humaine jusqu’à mourir sur une croix. Quelle merveilleuse proximité divine se dit ainsi ! Certains pensent à Dieu comme au grand architecte mais alors quelle relation peut-il y avoir entre eux et ce bâtisseur virtuel ? D’autres imaginent un Dieu unique tellement absolu que la pensée que nous pourrions lui parler cœur à cœur dans une intime communion personnelle est vue comme un blasphème. D’autres encore le nomment énergie diffuse et le ressentent comme une force anonyme, éthérée et insaisissable avec laquelle ils se connectent par des pratiques de yoga. Jésus-Christ nous révèle l’Être de Dieu, affirme que Dieu est Amour et que son Amour recherche l’homme pour l’honorer en le faisant participer à sa vie divine, par une acceptation libre et personnelle. Regardons le Cœur de Jésus, voyons comment il s’est manifesté aux parias de son époque, aux lépreux considérés comme pires que les intouchables indiens, aux estropiés dont la vie dépendait des quelques piécettes jetées par les riches, à ces femmes repoussées parce que jugées impures à cause des maux de leur corps ou des abus des hommes. Jésus est venu les regarder, les écouter, les embrasser, les relever, les envoyer en mission, leur demandant d’aller annoncer à ses frères qu’il est vivant. Désormais, c’est par nous que ce message peut se propager. Je vous propose de dire chaque matin « ô Jésus, si tu veux que je parle aujourd’hui de toi à une personne, montre-la moi ! » Oserez-vous emprunter ce chemin missionnaire pour goûter la joie de l’évangile par cette annonce simple, en prononçant le beau nom de Jésus et en témoignant comment votre foi éclaire votre quotidien ? Le monde a soif de beauté et de fraternité. Le monde a soif de spiritualité. La foi en Jésus-Christ comble nos âmes assoiffées et de ce message nous sommes les porteurs. Ne nous taisons pas. « Je vous le dis : si eux se taisent, les pierres crieront » (Lc 19, 40) avait annoncé Jésus. En priant son Père, Jésus exprime son désir le plus profond : « pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et que moi aussi, je sois en eux » (Jn 17, 26). Chacun de nous peut y contribuer en étant le signe de sa présence et de son désir extraordinaire pour tous.

En ce temps ordinaire, nous continuons notre chemin, en pensant déjà aux projets pour l’année scolaire prochaine. Les nouveaux Conseils Missionnaires Paroissiaux sont en cours de discernement et réfléchissent à l’accompagnement des fidèles, surtout les nouveaux venus comme les néophytes, mot qui désigne les nouveaux baptisés. Déjà d’autres adolescents et adultes frappent à la porte avec le désir de découvrir Jésus-Christ, la Bible et son message d’amour et de salut. Je vous invite à être attentifs car leur demande peut être exprimée avec une telle délicatesse, en souhaitant ne pas déranger, que nous pourrions l’ignorer involontairement. Pourtant ils frappent à la porte et souhaitent recevoir les merveilleux dons du Seigneur. Je propose pour tous les adultes et grands jeunes une année spéciale en vue de la confirmation qui sera donnée de manière exceptionnelle à la Pentecôte, à l’occasion des deux grands jubilés que nous aurons en même temps en 2025, celui des 1 000 ans de la crypte de Chartres et le jubilé romain. Invitons tous les fidèles qui n’ont pas été confirmés, dès maintenant, à se faire connaître pour préparer leur confirmation. Mettons en place un parcours, des rencontres, des pèlerinages qui seront autant d’étapes pour qu’ils approfondissent leur communion avec Jésus-Christ. Le psalmiste dit au Seigneur « tu m’apprends le chemin de la vie; devant ta face, débordement de joie ! À ta droite, éternité de délices ! » (Ps 15,11) N’est-ce pas ce que nous souhaitons que tous les hommes vivent ? Comment introduire ceux qui cherchent Dieu dans la joie du Père et l’intime chemin avec Jésus ? Nous pouvons y réfléchir dans nos conseils en nous aidant des « neuf fondamentaux pour un catéchuménat réussi ». Si notre vie de foi a déjà le goût de cette éternité de délices, quelle joie alors ! Nous avons une religion merveilleuse qui nous fait entrevoir des bienfaits tellement désirables, soit l’amour qui panse nos plaies. Assurément les prochaines semaines ne peuvent pas être banales, et elles ne le seront pas si nous sommes acteurs de cet élan missionnaire.

Pour notre prière commune comme fin de ce message, j’aimerais reprendre un psaume qui élève l’âme et réjouit le cœur du bien-aimé du Seigneur qui trouve en lui son refuge :

Garde-moi, mon Dieu : j’ai fait de toi mon refuge.

J’ai dit au Seigneur : « Tu es mon Dieu !

Seigneur, mon partage et ma coupe :

de toi dépend mon sort. »
Je bénis le Seigneur qui me conseille :

même la nuit mon cœur m’avertit.

Je garde le Seigneur devant moi sans relâche ;

il est à ma droite : je suis inébranlable.
Mon cœur exulte, mon âme est en fête,

ma chair elle-même repose en confiance :

tu ne peux m’abandonner à la mort

ni laisser ton ami voir la corruption.
Tu m’apprends le chemin de la vie :

devant ta face, débordement de joie !

À ta droite, éternité de délices ! (Ps 15)