#275 « Jésus, puis-je te rencontrer ? »

Le temps pascal continue et, si la météo reste fraîche, la nature croît pour porter ses fruits et accompagner notre chemin dans la lumière de la résurrection vers la Pentecôte afin que nous soyons renouvelés dans la puissance du Saint-Esprit. Il y a quelques jours montait dans ma voiture un homme de vingt-six ans non baptisé, utilisateur de blablacar. Sans éducation chrétienne, il me partageait une vie bien compliquée dans le passé, jusqu’au suicide de son père, drame qui le décida à arrêter toute consommation de stupéfiants, de cigarettes et d’alcools en faisant le choix de devenir auto-entrepreneur dans la plomberie. Aujourd’hui, sans connaissance particulière du contenu de la foi, il aime entrer dans les églises où il puise la paix. Est-ce une simple expérience psychologique lui ai-je demandé ? Non, me dit-il, je ressens une présence, je suis sûr d’être écouté. Ainsi Dieu se fait rencontre. Une relation encore ténue est là, permise par le Saint-Esprit qui rejoint cet homme décidé à vivre une vie responsable en refusant le mal, me disait-il. Dans les récits de conversion, notamment celle de musulmans qui ont parfois un songe du Messie qu’ils reconnaissent comme étant Jésus, il y a une expérience puissance de l’amour et de la paix. Toujours dans ces récits, on note des médiations humaines qui rapprochent la personne du Seigneur, qui entrouvrent une porte, qui par la charité déployée libèrent la personne de tant de préjugés qui étaient jusqu’alors comme des grilles de prison empêchant de respirer le bon air de l’Esprit Saint. Or chacun de nous peut être cette médiation, en allant vers l’autre bien que différent de soi. Saint Paul dit : « en effet, si de ta bouche, tu affirmes que Jésus est Seigneur, si, dans ton cœur, tu crois que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, alors tu seras sauvé. Car c’est avec le cœur que l’on croit pour devenir juste, c’est avec la bouche que l’on affirme sa foi pour parvenir au salut » (Rm 9-10). Il y a donc un lien direct entre notre salut, c’est-à-dire notre entrée future dans la vie éternelle, et la parole de foi et de vérité que nous « affirmons » aux autres. Nous espérons la conversion des non-chrétiens et des musulmans afin qu’ils connaissent le Christ, Jésus, sa Parole et reçoivent par lui la Vie. Paul ajoute : « la foi naît de ce que l’on entend ; et ce que l’on entend, c’est la parole du Christ » (Rm10,17). Si les gens n’entendent pas les chrétiens affirmer leur foi, comment croiront-ils ? Le temps pascal nous dispose à être témoin, prophète de la Bonne Nouvelle. C’est une responsabilité et nous prions Dieu de nous rendre aptes et courageux pour être ses disciples-missionnaires au sein de nos entreprises, de nos écoles, de nos universités, de nos lieux de loisirs et de sport. L’initiative « Holy Wins » qui se prépare pour être présente sur les sites olympiques et proposer des rencontres et des célébrations va dans ce sens.

L’Église existe en réalité pour évangéliser. Jésus a convoqué sa première communauté de disciples afin de les envoyer en mission pour « faire des disciples de toutes les nations » (Mt 28,19). Le synode romain sur la synodalité commencé il y a deux ans continuera en octobre 2024 avec la seconde session romaine. Entretemps les diocèses du monde entier sont invités à réfléchir sur la vie de l’Église et à « marcher ensemble » – c’est le sens du mot synode – à l’écoute du Saint-Esprit.

À Chartres, nous avons vécu une belle étape le samedi 20 avril avec des délégués d’une majorité de paroisses d’Eure & Loir envoyés par leur curé. Au terme de cette journée, je vous partage ci-après quelques réflexions glanées lors des ateliers.

L’expression « aller vers » revient souvent comme une interpellation et un souhait, afin de connaître par leur nom les personnes présentes lors de nos assemblées mais aussi les gens de l’extérieur qui s’approchent de la paroisse lors d’un rite familial. Une question se pose alors : comment les connaître et discerner leurs charismes afin que peu à peu ils deviennent membres de l’assemblée paroissiale ? Ils peuvent être invités à servir et nous dévoiler leurs talents. Nous constatons que, parmi les pauvretés de nos contemporains, il y a la pauvreté spirituelle qui mérite d’être comprise comme un appel à cheminer avec ces personnes en leur proposant par exemple des temps de partage de l’évangile chaque dimanche matin, avant la messe, afin d’éviter une déplacement supplémentaire en semaine. Le goût pour une belle et sobre liturgie est partagé par tous. Oserait-on demander un silence complet durant les cinq minutes avant la messe, afin d’entrer en prière et lire les textes bibliques ? Ne pourrait-on pas sonner quelques coups de cloche dans l’église qui indiqueraient ce moment silencieux ? Le Talmud juif semble être à l’origine du dicton « la parole est d’argent, le silence est d’or ». Dans nos échanges, nous notons encore que les bénévoles sont généreux mais tous les pratiquants ne prennent pas part à la vie communautaire paroissiale; certains pourraient y être appelés pour un service et recevoir une lettre de mission qui exprimerait la reconnaissance de leur engagement, cela pour une durée limitée à trois années, afin de se sentir libres de faire autre chose après. Il est dit que les fidèles attendent plus de transparence quant aux activités des conseils paroissiaux tant sur les missions que la gestion de l’argent au sein de la paroisse. Cela demande de rendre compte régulièrement pour honorer cette demande bien légitime. Cette question interpelle quant à la communication et aux supports utilisés, particulièrement à l’utilisation des réseaux numériques. Il est exprimé l’importance que ces réseaux demeurent au service de relations incarnées et vraies entre les personnes, afin que l’on puisse se rencontrer pour échanger : le propre de nos vies est la fraternité en actes. Sans cela, comment se connaître et nous aimer en vérité ? Comment vivre cette communion dont parlent les Actes des Apôtres ? Enfin le synode romain insiste sur la notion de coresponsabilité différenciée qui reconnaît que toute personne baptisée est légitime pour être « prêtre, prophète et roi » au sein de sa communauté. C’est pourquoi le fidèle chrétien peut oser venir et proposer ses idées, apporter ses talents pour la mission en prenant part à la vie ecclésiale, en vue de l’annonce du Royaume et de l’accueil de tous, particulièrement des personnes exclues dans la société civile et parfois au sein de notre Église.

J’ai conscience que ces idées ne sont qu’une partie de ce qui fut partagé lors de notre journée diocésaine, et tout fidèle s’interrogera sur sa responsabilité quant à la mission, à la part qu’il y prend, à ce qu’il peut modifier dans son attitude pour devenir un disciple et un témoin. Le monde païen et athée n’est pas embarrassé pour faire évoluer notre société vers un paganisme consumériste et pour promouvoir une culture de mort. Le monde musulman quant à lui prétend transformer notre Europe en terre d’Islam avec la vision passéiste et fondamentaliste du salafisme, c’est-à-dire en imposant la vision et les mœurs des « salafs », mot qui désigne « les ancêtres ou les prédécesseurs », soit les trois premières générations musulmanes qui vécurent d’abord à Médine, au VIIème siècle. Aucun de ces chemins ne correspond pas à notre vision de l’avenir, aussi devons-nous en tant que chrétiens nous déterminer pour Jésus-Christ et l’annonce de l’évangile. Malheureusement notre confort a souvent pris le dessus sur notre spiritualité et faire le choix d’être missionnaire nous bouleverse voire nous dérange vraiment. Cette situation rappelle l’invitation faite par Jésus à un jeune homme riche : « si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux. Puis viens, suis-moi » (Mt 19,21). Sommes-nous concernés ? Oui, car Jésus est la réponse à notre désir profond de vie. Il désire nous communiquer sa vie, son Esprit, un bonheur dès ici-bas, puis la vie éternelle.

C’est pour cela que le temps pascal est à comprendre comme une opportunité que Jésus choisit pour nous demander comme il fit aux apôtres quand certains disciples le lâchèrent : « voulez-vous partir vous aussi ? » (Jn 6,67). Jean rapporte la merveilleuse réponse de Pierre « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint de Dieu » (Jn 6,68-69). Certes Pierre trahira Jésus par son reniement lors de la passion de son maître. Mais ensuite, sauvé et pardonné par l’amour de Jésus, il partira vers l’Occident prêcher jusqu’à donner sa vie par amour de Dieu. Et nous, jusqu’où allons-nous donner notre vie pour l’Église du Christ et pour ceux qui pourraient être interpellés par notre parole ?

Récemment nous avons eu la joie d’entendre l’évangile du bon pasteur, récit rapporté par saint Jean, qui dit plusieurs fois que le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis, qu’il connaît ses brebis, et que ses brebis le suivent. Elles le suivent car cette connaissance est réciproque et elle est fondée sur l’amour mutuel. Nous serons missionnaires à la suite du bon Pasteur lorsque nous vivrons dans une connaissance mutuelle qui inclut un échange amoureux entre Jésus et nous. Comment croître dans cette relation d’amour ? En entretenant notre relation à Jésus par la forme la plus haute qui est la prière accompagnée de la méditation de la Parole qu’il nous a laissée. Nous goûterons alors ses mots qui disent toute l’affection divine qui nous est destinée : « car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle » (Jn 3,16). Sainte Thérèse écrit un dernier billet « avant de quitter cette terre d’exil » à son fils spirituel, le père Maurice Bellière en résumant toute sa spiritualité : « Je ne puis craindre un Dieu qui s’est fait pour moi si petit… je l’aime !… car Il n’est qu’amour et miséricorde ! » Lorsque nous aurons fait l’expérience de son amour miséricordieux, nous serons transformés en disciples ardents à annoncer le Christ à ceux et celles qui se débattent dans une vie bien difficile et qui recherchent la paix.

Nous invoquons maintenant le Saint-Esprit pour qu’il vienne nous couvrir de son ombre, comme pour la sainte Vierge Marie, et que nous portions un fruit fécond.

  1. Viens Esprit du Dieu vivant,

    Renouvelle tes enfants,

    Viens, Esprit Saint, nous brûler de ton feu !

    Dans nos coeurs, répands tes dons,

    Sur nos lèvres inspire un chant,
    
Viens, Esprit Saint, viens transformer nos vies !

R. Esprit de lumière, Esprit Créateur,

Restaure en nous la joie, le feu, l’Espérance.

Affermis nos âmes, ranime nos cœurs,

Pour témoigner de ton amour immense.

  1. Fortifie nos corps blessés,

    Lave-nous de tout péché,

    Viens, Esprit Saint, nous brûler de ton feu !

    Fais nous rechercher la paix,

    Désirer la sainteté,

    Viens, Esprit Saint, viens transformer nos vies !