#257 «Dans deux jours, ce sera Noël, mais quel Noël ?»

Comme pour Charlie dans ses bandes dessinées, il est difficile de découvrir Jésus dans le décor artificiel de nos centres-villes. Quelques communes rurales ont exposé une jolie crèche bien éclairée, maintenant une belle tradition que les idéologues d’une laïcité évidée de toute spiritualité n’ont pas encore fait interdire. Mais à la veille de la nuit merveilleuse, déjà les commerçants font le bilan des ventes de Noël, et préparent les soldes pour écouler les invendus. Noël sera mesuré par le chiffre d’affaires réalisé. Sur les sites de revente, vous trouverez ces cadeaux inutiles que l’on achète sans goût et sans sens, juste parce qu’il « faut » offrir quelque chose.

Et si le vrai cadeau, c’était nous et vous, c’était soi-même dans la rencontre d’autrui, c’était la découverte mutuelle en servant ensemble lors d’une table-ouverte ou lors d’un voyage en blablacar ? Ce cadeau est une surprise inattendue, expression de la Providence, que l’on cueille comme un fruit le long d’un chemin et qui vous rafraîchit. Noël, que sera-t-il pour chacun de nous ? Il n’est pas trop tard pour se poser la question.

Avec la Vierge Marie, nous sommes en chemin vers Bethléem. Si Marie a osé partir pour servir Élisabeth alors âgée et enceinte, si elle a suivi son jeune époux Joseph sur les routes de la Judée pour atteindre la ville de David, Marie n’a pas oublié son fiat donné à l’ange Gabriel dans le silence intérieur de son cœur, répondant à l’appel du Dieu très-haut qui la choisissait comme mère du messie annoncé. La foi de Marie demeure le modèle par excellence de la foi. Nous avions commencé ce chemin de l’Avent en écoutant un texte d’évangile qui nous invitait à veiller, puis un autre passage concernant un centurion romain, un païen dont le serviteur était mourant, qui s’était totalement confié à Jésus pour que, d’une seule parole, son serviteur soit guéri par Jésus. Il ne doutait pas et Jésus avait loué sa confiance. Le serviteur fut sauvé.

Les temps troublés de ce monde sont comme un espace pour que notre foi, qui est un don de Dieu à faire fructifier, grandisse et qu’elle soit tel un rempart face aux adversités. Le pape François nous a donné la Vierge comme modèle quand il prêcha au stade vélodrome de Marseille le 23 septembre : « Celui qui croit, qui prie, qui accueille le Seigneur tressaille dans l’Esprit, sent que quelque chose bouge à l’intérieur, il “danse” de joie. Et je voudrais m’arrêter sur cela : le tressaillement de la foi. L’expérience de foi provoque avant tout un tressaillement devant la vie. Tressaillir, c’est être “touché à l’intérieur”, avoir un frémissement intérieur, sentir que quelque chose bouge dans notre cœur […] L’expérience de la foi, en plus d’un tressaillement devant la vie, provoque aussi un tressaillement devant le prochain. » Ce tressaillement ne fait-il pas écho à la miséricorde ? En effet, la miséricorde se définit comme le mouvement des entrailles face au malheur d’autrui qui suscite un élan du cœur qui rapproche de la personne en souffrance. Dieu vient vers l’homme et cette descente en l’homme dit toute l’attention qu’il a pour sa créature. Noël célèbre la folie divine d’un Dieu qui a tant aimé les hommes qu’il se fait l’un de ces hommes pour le retirer du néant et de la mort, afin de le sortir de sa tombe et le conduire à la lumière éternelle d’un amour parfait. Toutes les guirlandes made in china ne sont que vers luisants devant le feu de cet amour plus lumineux que mille soleils.

En contemplant la crèche, il nous est proposé de voir avec le regard de la foi la présence de Dieu en l’enfant si frêle, réchauffé par l’âne et le bœuf, entouré des bergers et de leurs animaux. Le contraste est saisissant : cette famille pauvre dont le nouveau-né n’a pour berceau qu’une mangeoire est réellement le Verbe divin par qui Dieu a créé les mondes. Alors nous pouvons le bénir et le chanter, oui il est né le divin enfant, nous chantons son avènement et nous entrons dans la joie du Ciel, des anges et des saints qui le reconnaissent comme le Sauveur de notre humanité. Ce mystère nous inclut dans la ronde joyeuse des bienheureux sauvés par la grâce. Nous appartenons au Seigneur et pouvons humblement oser répondre notre fiat à la suite de la Vierge Marie, c’est-à-dire notre oui, afin de l’accueillir en notre personne devenue sa demeure.

Veiller, c’est accepter de ne plus compter son temps, de ne pas regarder sa montre, comme lorsqu’on veille un enfant malade dans l’attente qu’il ouvre les yeux pour lui parler. Par leur métier, les bergers connaissaient la veille et l’expérience du temps qui passe à lever les yeux vers le firmament pour admirer les étoiles et voir apparaître la lueur de l’aube. Sommes-nous capables de veiller, dans l’adoration, l’évangile en main, le chapelet dans l’autre, et de murmurer nos prières comme autant d’actes de foi et d’amour vers Celui que Noël célèbre ? Alors nous pourrons parler de Lui, Le présenter à nos amis, Le découvrir dans les personnes plus démunies que nous croisons si souvent dans nos villes, à la gare ou à la porte des églises. Joseph et Marie ont accueilli des pauvres, les bergers, et les ont laissés s’approcher de leur petit enfant, sans crainte. Ils comprenaient que sa venue leur était destinée. Aujourd’hui encore nos frères en humanité plus démunis ont besoin d’entendre parler de Jésus qui s’est approché d’eux humblement et pauvrement. Dans beaucoup de repas de Noël en société, on leur cachera l’amour qui s’est manifesté réellement pour les distraire gentiment avec des lumières et guirlandes artificielles. Or pour un chrétien il ne s’agit pas de regarder l’écrin, ni même la belle bague qu’il contient, mais d’entrevoir l’amour qui motive un tel cadeau à sa bien-aimée, l’humanité. À Noël, nous fêtons l’amour qui s’est fait homme !

Notre société a besoin d’une source pour retrouver la paix. Entre l’atrocité des guerres actuelles et les violences du quotidien, le Pape, Benoît XVI, nous éclaire toujours par ses mots : « la paix sur la terre entre les hommes est en relation avec la gloire de Dieu au plus haut des cieux. Là où on ne rend pas gloire à Dieu, là où Dieu est oublié ou même renié, il n’y a pas non plus de paix. » Bien entendu, beaucoup d’hommes et des femmes incroyants œuvrent généreusement pour la paix, mais comment changer le cœur des hommes pour plus de paix si ce n’est par un surcroît d’amour et de gratitude ? Et comment faire preuve de gratitude quand la vie est douloureuse parce qu’elle est marquée par tant d’injustices de toutes sortes ?

Pour conclure, j’aimerais encore citer le Pape François et son homélie à Marseille, texte inspirant pour nous : « Aujourd’hui encore, notre vie, la vie de l’Église, la France, l’Europe ont besoin de cela : de la grâce d’un tressaillement, d’un nouveau tressaillement de foi, de charité et d’espérance. Nous avons besoin de retrouver passion et enthousiasme, de redécouvrir le goût de l’engagement pour la fraternité, d’oser encore le risque de l’amour dans les familles et envers les plus faibles, et de retrouver dans l’Évangile une grâce qui transforme et rend belle la vie. »

Mes amis, je vous souhaite un saint Noël et une foi contagieuse pour témoigner à vos proches de la présence en Jésus du Fils de Dieu fait chair. N’ayons plus peur d’être ses témoins ! Recherchons les occasions, suscitons-les pour parler de Dieu. Portons sans complexe ni crainte le message de Noël, il nous est né un sauveur !
Et je vous propose de prendre comme prière le Magnificat de la Vierge :
Mon âme exalte le Seigneur,

Exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur !

Il s’est penché sur son humble servante ;

désormais tous les âges me diront bienheureuse.

Le Puissant fit pour moi des merveilles :

Saint est son nom !

Son amour s’étend d’âge en âge
sur ceux qui le craignent.

Déployant la force de son bras,

il disperse les superbes.

Il renverse les puissants de leurs trônes,

il élève les humbles.

Il comble de biens les affamés,
renvoie les riches les mains vides.

Il relève Israël, son serviteur ;

il se souvient de son amour,

De la promesse faite à nos pères,

en faveur d’Abraham et de sa race, à jamais.

Gloire au Père, et au Fils,

et au Saint-Esprit,

Maintenant et à jamais,
 dans les siècles des siècles. Amen.