#256 «Et la belle Dame lui dit : “Je suis l’Immaculée Conception »»

Au milieu de l’Avent est célébré le dimanche de la joie. Nous trouvons dans le récit des pèlerins d’Emmaüs une expression merveilleuse : « notre cœur n’était-il pas tout brûlant quand il nous parlait sur la route et nous ouvrait les écritures ! » (Lc 24,32). En effet, les deux compagnons qui s’en retournaient à pied de Jérusalem vers la campagne, totalement effondrés par la crucifixion de leur maître Jésus, expérimentaient une joie inattendue en écoutant l’inconnu qui les avait rejoints et qui prenait le temps de relire les prophéties annonçant un messie souffrant qui ressusciterait. Ils ne le mesurèrent qu’après avoir reconnu le Christ à la fraction du pain, s’écriant alors : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures ? » (Mt 24, 32). Le temps de l’Avent nous offre de lire le prophète Isaïe et les évangiles qui dévoilent le projet divin dont l’accomplissement s’opère par l’incarnation du Verbe divin en Marie, ce que nous célébrerons à Noël. Il est profitable d’accueillir la joie de ce dimanche, la liturgie le signifie par la couleur rose des chasubles, en vivant cette journée de manière originale afin de cultiver notre joie. Ne faisons-nous pas l’expérience que la joie grandit quand elle est partagée ? Pourrons-nous nous retrouver avec des proches, des amis, des paroissiens pour un temps convivial et une lecture de la parole de Dieu ? Pouvons-nous dès ce jour penser à ceux et celles qui seront seuls et palier d’une manière ou d’une autre à leur solitude ? Voici un chemin d’amour authentique car « il n’est pas bon que l’homme soit seul » (Gn 2, 18). Notre joie commune sera un reflet de la joie trinitaire puisque nous sommes créés à l’image de Dieu et que nous réalisons notre ressemblance avec Lui dans ces échanges d’amour fraternels. Dieu s’est donné jusque dans la mort pour chacun sans exception et nos rencontres peuvent être des tables ouvertes à toute personne, chrétienne ou non; chacun a le droit d’entendre les merveilles de Dieu. L’accueil mutuel sera une offrande de soi au nom de Jésus vécue en action de grâce pour sa présence aimante et pour la joie que l’Esprit donne.

C’est dans ce bel esprit de Noël que nous allons visiter les crèches. Beaucoup de paroissiens s’emploient à monter une belle crèche dans l’église de leur village et je souhaite vous encourager à ouvrir les portes de vos églises chaque jour, et pendant toute la journée, durant l’Avent car il est fréquent que des personnes désirent y entrer pour découvrir la crèche, allumer un cierge pour une personne malade ou décédée, y prier un moment. L’ouverture des églises est décidée par le curé affectataire uniquement, même si le bâtiment est propriété de votre commune depuis sa confiscation en 1905. Dans les villages, il importe que des habitants se fassent « personne-relais » pour garder la clé, ouvrir et fermer, en ayant soin de l’ordre et des éclairages, dans le respect des normes de sécurité. Une église en bon ordre, rangée et propre, est accueillante et les gens la respectent. N’ayons pas peur et mettons les objets de valeur dans la sacristie bien fermée par une porte solide, sans laisser une clé cachée à proximité qu’une personne indélicate aurait tôt fait de découvrir. Nos églises sont des havres de paix, de beauté et de spiritualité si nécessaires quand le monde fait la guerre et que la violence surgit même dans nos villages de campagne. Nous, chrétiens à la suite de Jésus « doux et humble de cœur », voulons témoigner de la valeur des commandements de Dieu, aimer Dieu et aimer son prochain comme soi-même, afin de favoriser une vie sociale humaine, solidaire et paisible. Sans Dieu, l’homme se fait dieu et devient souvent auto-centré sur ses besoins et ses désirs personnels, indépendamment des autres. Noël est une fête incarnant la paix vécue en famille, dans l’émerveillement de la nativité de Jésus, dans le silence de Bethléem, par l’accueil des bergers et des mages qui représentent toute l’humanité, avec la joie du partage et des cadeaux que l’on se fait pour signifier la valeur de celui que l’on aime. Ne nous laissons pas voler Noël par l’économie marchande : choisissons la simplicité joyeuse et la sobriété. Personnellement j’aurais la joie, une fois de plus, d’aller célébrer Noël en prison avec des hommes de toutes nations et confessions. Nous chanterons des chants classiques que nous avons appris enfant, qui parlent de la Vierge Marie et de saint Joseph, des anges, de l’âne et du bœuf, des bergers et leurs moutons. À cet instant, pour ces hommes, les murs d’enceinte surmontés de barbelés disparaîtront et leur journée en sera lumineuse, leur estomac rempli des chocolats et des gâteaux apportés par l’équipe de l’aumônerie qui leur seront offerts après la messe. « J’étais en prison et vous m’avez visité » (Mt 25, 36), merci aux membres de l’équipe qui offrent ce moment de joie toute simple autour de l’enfant de la crèche.

Si nous sommes conscients que la valeur d’un cadeau est dans l’amour exprimé, j’aimerais vous dire quelques mots sur nos besoins financiers. Certains pourraient penser que cela nous éloigne de la spiritualité. Pourtant, de même que nos sentiments ont besoin du corps charnel pour s’exprimer envers l’être cher, de même l’Église en tant que Corps du Christ ne peut rendre compte de l’évangile et être sacrement du salut pour les hommes et les femmes de notre époque sans un cadre de vie faits de lieux, d’objets et de personnes, bénévoles pour beaucoup et certaines salariés qu’ils soient laïcs, religieux et religieuses, consacrés, diacres et prêtres. Face aux besoins matériels, nous ne sommes pas naïfs, un curé pour visiter une personne malade, pour se rendre dans un village pour un sacrement a besoin d’une voiture et de carburant. L’Église est notre famille, elle ne vit que de la générosité des fidèles, elle ne reçoit aucune subvention, elle fait face aux charges et aux impôts, elle ne peut être envoyée en mission que si chaque baptisé contribue lors des quêtes, par ses offrandes de messe, par sa participation financière aux activités proposées et surtout par le denier de l’Église. Certains aimeraient une Église libérée de ces contingences, vivant de l’air du temps et d’eau fraîche. Or cela n’est pas la vie réelle, même les apôtres avaient une bourse commune confiée à Judas pour les frais de la communauté. Dans le livre des Actes des apôtres, on voit comment une collecte est faite pour soutenir financièrement la communauté chrétienne de Jérusalem. Dans le diocèse de Chartres, environ trois mille huit cents fidèles nous soutiennent, mais ce nombre décroît : certains rejoignent la maison du Père, d’autres déménagent. Il importe que les nouvelles générations aient conscience de leur devoir, car l’Église est notre famille, elle n’est pas une association caritative ou une ONG parmi d’autres. Si le Christ en est la tête, chaque baptisé en est une pierre vivante et devient donc responsable, dès l’adolescence, lorsqu’il est confirmé. Tout don a la valeur de l’amour que l’on y met, cet amour que l’on doit à Dieu et dans un même élan aux frères et sœurs que les paroissiens accompagnent, catéchisent, marient, soutiennent dans les épreuves et le deuil par l’écoute et la présence. L’écriture parle de la part de Dieu, elle l’appelle la dîme, c’est la première partie de la récolte qui est offerte pour soutenir les ministres du culte et les œuvres. Bien entendu, je vois que beaucoup font un réel effort en ce sens, je les remercie de tout cœur et je leur demande : pouvez-vous être ambassadeurs de ce besoin essentiel auprès de vos proches ?

J’aimerais pour conclure ce message reprendre quelques lignes de Madeleine Delbrêl extraites de son merveilleux livre La Joie de croire qui n’a rien perdu de sa fraîcheur alors qu’il rassemble ses notes prises entre 1935 et 1964. Elle nous invite à nous sentir concernés par l’annonce de la foi comme le suprême acte d’amour. Je la cite : « ce n’est pas un amour né de la terre que les équipes missionnaires auront mission de vivre et de donner : c’est la charité théologale ; c’est l’amour de Jésus-Christ, fils de Dieu qui ne croît authentiquement qu’avec l’amour de tous leurs frères en humanité. C’est cet amour motivé par la foi qui leur ferait courir le monde entier pour que la gloire de Dieu s’accroisse. À cet accroissement, elles ne peuvent contribuer qu’en servant d’instrument au cheminement, à l’annonce de la foi, car la gloire de Dieu ne peut être accrue que par le retentissement des saints, la pénitence des pécheurs, l’illumination des incroyants. Un seul incroyant fait luire la gloire de Dieu si ce Dieu est connu par lui : c’est la base, pour nous, de notre volonté missionnaire. » (p. 76) Madeleine nous invite à « aimer jusqu’à la fin », sans restriction, sans choix ni préjugés, comme le Christ. En méditant devant la crèche le mystère de l’incarnation, nous comprendrons un peu plus jusqu’où Dieu nous aime et nous serons témoins de cet amour. Le monde en a tant besoin.

Prions maintenant pour la paix en Israël et dans le monde alors que Noël approche, avec cette prière pour les enfants de Gaza écrite en 2009 par Bradley Burston, Juif travaillant pour le journal Haaretz :

« Seigneur, créateur de tous les enfants, écoute notre prière en ce jour maudit.
Dieu que nous nommons le Béni, tourne ton visage vers ceux-ci, les enfants de Gaza, afin qu’ils puissent connaître tes bénédictions et ton abri, qu’ils puissent connaître la lumière et la chaleur où il n’y a maintenant que ténèbres et fumées, et un froid qui resserre et coupe la peau.
Tout-puissant, toi qui fais des exceptions que nous appelons des miracles, fais une exception pour les enfants de Gaza.
Protège-les de nous et des leurs.
Épargne-les.
Guéris-les.
Laisse-les vivre en toute sécurité.
Délivre-les de la faim et de l’horreur, de la fureur et du chagrin.
Délivre-les de nous et des leurs.
Donne-leur de retrouver leur enfance volée et leurs droits de naissance, qui est un avant-goût du paradis.
[…]
Bénis ces enfants et garde-les du mal.
Tourne ton visage vers eux, Seigneur.
Montre-leur, comme si c’était pour la première fois, la lumière et la bonté, et ta bienveillance bouleversante.
Regarde-les, Seigneur.
Laisse-leur voir ton visage.
Et, comme si c’était pour la première fois, accorde-leur la paix. »
L’Église a besoin de vous ! de chacun de vous !

Par le Denier de l’Église, vous soutenez la vie de nos prêtres et le travail de nos laïcs en mission. Ils ont besoin de vous ! Merci de contribuer généreusement à nos ressources financières.
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