#249 «La bénédiction est un projet de vie !»

Cette formule est de Mgr François Bustillo. « Bénissez, ne maudissez-pas » dit Paul (Rm 12,14). Comment calmer la fièvre mortifère qui saisit certains hommes et qui les pousse vers la guerre ? Cette folie laisse des ruines catastrophiques, tant en Ukraine, qu’en Arménie et maintenant en Israël et surtout à Gaza. Les vues prises par des drones nous montrent le désastre des immeubles rasés et des populations désemparées. Trop de personnes innocentes payent de leur vie la folie de ceux pour qui les armes prévalent sur la sagesse. Une opération militaire se prépare sur Gaza, combien de vies seront anéanties ? L’Église, par la voix du patriarche latin de Jérusalem, demande que nous priions et jeûnions car, dit Jésus, seuls la prière et le jeûne peuvent chasser le diable qui se joue des hommes. Ainsi nourris intérieurement, nous pouvons nous engager, agir souvent par l’intermédiaire d’ONG et d’associations caritatives. Ciblons celles qui apportent une aide directe aux populations menacées, telles l’Aide à l’Église en détresse (AED) ou l’Œuvre d’Orient. 

La réponse que nous apporte l’Esprit du Seigneur s’appelle évangélisation et annonce de la Bonne Nouvelle. Pourquoi est-ce si déterminant ? Car « si mes disciples se taisent, les pierres crieront » dit Jésus (Lc 19,40). Nous voyons ces pierres qui volent vers les policiers ou vers ceux qui sont considérés comme ennemis. Les pierres qui crient ce sont aussi les idéologies mortifères, souvent fondées sur des rancunes tenaces et des idéologies athées. On a voulu tuer Dieu mais on a tué l’homme libre, l’homme qui, se sachant aimé de Dieu, est poussé à aimer son prochain, jusqu’à aimer son ennemi comme nous le demande Jésus. Sans l’amour de l’ennemi, on va vers la vengeance, la haine et la violence dès qu’une situation de conflit s’aggrave et dégénère. Évangéliser c’est sauver la relation entre les êtres humains en vue d’un dialogue possible. Jésus est la lumière du monde tellement nécessaire quand les armes parlent, quand les pierres crient. 

J’aimerais citer un moine celte qui vint de l’Irlande au VIe siècle pour évangéliser la Gaule, la Rhénanie, l’Helvétie et l’Italie. Il se nomme saint Colomban. Né dans une riche famille, il choisit d’être disciple de Jésus, pauvre, menant une vie ascétique. Avec une douzaine de compagnons, il part vers les côtes de Bretagne et entame une longue pérégrination dans une Europe bouleversée après la chute de l’Empire romain et l’arrivée de plusieurs peuples appelés alors barbares. Il fonde des monastères et va jusque dans la vallée de Bobbio en Italie où il meurt en 615. Il laisse la règle monastique dite de saint Colomban et cette belle prière : 

« Seigneur, accorde-moi cet amour qui se garde de tout relâchement, que je sache tenir toujours ma lampe allumée, sans jamais la laisser s’éteindre; qu’en moi elle soit feu, et lumière pour mon prochain. O Christ, daigne allumer toi-même nos lampes, toi notre Sauveur plein de douceur, fais-les brûler sans fin dans ta demeure et recevoir de toi, lumière éternelle, une lumière indéfectible. Que ta lumière dissipe nos propres ténèbres, et que par nous elle fasse reculer les ténèbres du monde. » 

Le Seigneur est notre lumière intérieure. Quand cette lumière est allumée, nous voyons clair. Rien ne peut l’éteindre si nous demeurons dans l’Espérance de la présence du Seigneur. La tempête peut nous secouer, la pluie peut tomber sur la maison, nous restons saufs si nous gardons le regard fixé sur le ressuscité. Le Christ accompagne nos itinérances comme il était dans la barque avec les apôtres au milieu d’une tempête, calmant le vent et les vagues, les rassurant. 

J’ai abordé dans mon précédent message le sacrement de l’ordre et spécifiquement le sacerdoce. J’aimerais prolonger cette méditation. Le prêtre est un homme choisi par Dieu qui, après une longue formation au séminaire et avec le discernement de l’Église, est mis à part et ordonné pour consacrer sa vie entière à Dieu en apportant aux fidèles le secours des sacrements, la lumière de l’évangile, l’écoute et l’accompagnement dans les joies et les peines. Est-il la lumière par lui-même ? Non assurément, mais il la porte comme un lampadaire. Certes saint Paul dit aux Philippiens que nous sommes des lumières qui brillent dans la nuit du monde (Ph 2,15). Paul inclut tous les baptisés. Mais aucun d’entre nous n’est lumière par soi-même, chacun l’est par réflexion de la lumière qu’est le Christ, à la mesure de sa sainteté. Le prêtre qui n’est pas la lumière par lui-même a vocation cependant à être comme un phare pour aider la traversée de la vie qu’entreprend toute personne. Le phare porte à son sommet un lanterne puissante qui ne pourrait rien faire sans l’énergie électrique. Ainsi en va-t-il du ministère sacerdotal qui ne serait rien sans la présence de l’Esprit Saint qui l’illumine de l’intérieur. De la naissance à notre mort, nous marchons guidés par l’Église qui nous enseigne et nous soutient. Sur ce chemin, par ses paroles et ses actions, le prêtre rend présent le Christ qui rassure et oriente le fidèle dans la violence des tempêtes et l’obscurité des nuits. Par l’enseignement de la Parole de Dieu, il lui donne la lumière pour sa route.

Il arrive que les fidèles imaginent la vie du prêtre comme fort difficile. En français, n’utilise-t-on pas l’expression « c’est un sacerdoce » pour parler d’une vie toute donnée aux autres et plutôt exigeante ? On y voit un sacrifice qui inclurait le parfait et coûteux oubli de soi. Or saint Augustin parle du sacrifice de manière positive en disant : « Le vrai sacrifice, c’est toute action que nous accomplissons pour nous unir à Dieu en une société sainte ; c’est-à-dire toute action rapportée à cette fin, à ce bien par lequel nous pouvons être vraiment bienheureux. » Le sacrifice serait donc la voie royale pour être uni à Dieu et vivre de son amour divin, en vue de la sainteté du corps que nous formons tous ensemble, l’Église, et il ajoute que nous pouvons être vraiment heureux. Quelle bonne nouvelle ! Le sacrifice de sa vie serait donc en vue de notre bonheur. Voici une compréhension originale et positive quand beaucoup refusent de sacrifier leur vie pour préserver leur droit au bonheur. Ne dit-on pas : « je ne vais tout de même pas me sacrifier » pour justifier de ne pas s’engager ou partager ? Un collégien me demandait récemment pourquoi la vie chrétienne oblige tant le croyant et limite sa liberté. Je lui rappelais alors les deux grands commandements de l’amour que Jésus reformule pour le scribe qui l’interrogeait : l’amour de Dieu et l’amour du prochain. J’ai moi-même demandé à ce jeune « en quoi aimer Dieu et aimer ton prochain affecte-t-il ta liberté personnelle ? » Aimer n’est-ce pas la voie royale en vue de la liberté ? Aimer c’est faire de sa vie un authentique sacrifice, c’est « rendre sacré » ou « faire sacré » ses œuvres pour rendre gloire à Dieu de qui vient toute vie, afin que l’Église évangélise ceux et celles qui ne connaissent pas Jésus et son offrande. Le prêtre se sacrifie, il fait de sa vie et de son agenda un sacrifice. Plus son sacrifice saisit toute sa vie, plus elle prend sens et lui donne de la joie. L’homme qui choisit le sacerdoce a souvent la crainte de perdre ce que la société propose comme biens matériels et plaisants, mais en réalité il trouve sa liberté dans le détachement des biens par le don de soi aux autres, par l’annonce des merveilles que Jésus a accomplies. Bien entendu, être prêtre est exigeant mais quelle vie au service de l’amour ne l’est pas ? 

J’ai la joie de rédiger ces lignes à Lourdes où s’achève la rencontre Kerygma qui rassemble 2 800 fidèles, prêtres, diacres et évêques. Trois journées pour entendre l’Esprit nous encourager à l’annonce de la Bonne Nouvelle dans tous les lieux d’Église, en nous partageant ces jeunes pousses missionnaires qui fleurissent partout. J’y ai vu des hommes et des femmes aimant l’Église, heureux de prier, de partager, de s’instruire et de rire. Oui nous avons beaucoup ri ! Mgr François Bustillo, nouveau cardinal français et évêque d’Ajaccio nous a stimulé avec sa langue chantante. J’ai noté quelques expressions dans son enseignement que je vous partage : « un bateau est fait pour la traversée non pas pour rester au port », « le Christ appelle à vivre et à vibrer, nous sommes faits pour la passion, pas pour la résignation », « nous devons passer du personnage à la personne, pour une véritable authenticité entre nous », « il y a urgence pour l’intériorité, car la crise de l’espérance ne vient pas d’abord des faits extérieurs mais du vide intérieur », « la bénédiction est un projet de vie ». 

Face au défi de la nouvelle évangélisation, Dieu recherche des témoins zélés. « Qui enverrai-je ? Qui sera notre messager ? » (Is 6, 8) Qui sont les disciples-missionnaires pour le temps présent ? Qui sera consacré, religieux ou prêtre pour notre Église de demain ? Nous continuons à solliciter le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson. Nous prierons à chaque messe cette prière d’abandon au choix de Dieu afin qu’il suscite des vocations sacerdotales en notre diocèse, donc parmi les fils de nos familles. 

Ô Père, Dieu de bonté,

Nous te confions les jeunes appelés à la sainteté,

Bénis leur vie et leurs projets.

Nous te supplions de susciter parmi eux

des vocations consacrées et sacerdotales.

Jésus doux et humble de Cœur, 

Donne-nous des prêtres selon ton cœur. 

Qu’ils s’offrent pour célébrer 

le saint sacrifice de la messe et les sacrements,

Qu’ils annoncent l’Évangile à tous,

en notre diocèse de Chartres.

Esprit de sagesse et de lumière, 

Guide-les et protège-les,

Inonde-les de ta paix et de ta joie. 

Face à cet appel, ôte la crainte, 

Aide-les à franchir les obstacles, 

et comble-les de ton Amour infini.

Sainte Mère de Dieu, Notre Dame de Chartres, 

Intercède pour ces jeunes si généreux, 

aide les parents à accueillir 

la vocation de leur enfant, 

nous t’en remercions.

Amen.