#248 «Donne-nous des prêtres selon ton cœur !»

La mort peut-être criminelle : en Israël, la folie meurtrière du Hamas a tué des familles entières, sans considération d’âge ou de sexe. Mais la mort peut être aussi plus douce comme à Chartres où, à peine avions-nous célébré les funérailles du père Raphaël Malcuit âgé de cent ans, que le père Guy Foucher nous quittait quelques heures plus tard. Il avait reçu les derniers sacrements dans la journée, j’avais prié à côté de lui un peu avant son décès le confiant par la Vierge Marie à son Seigneur, lui disant dans l’oreille qu’il pouvait s’en aller en paix et rejoindre la maison du Père sans crainte, et voici que c’est ce qu’il a fait, il s’est endormi dans la mort pour ressusciter avec le Christ et entrer dans la béatitude éternelle. Prêtre, il acheva son ministère chez les sœurs de Saint-Paul-de-Chartres. L’émotion est vive, mais elle n’ôte pas la joie du salut que le Seigneur lui réserve et que nous, chrétiens, devons accueillir et cultiver puisque la mort, si elle demeure un mystère, est la porte d’entrée vers un avenir heureux. Ainsi s’accomplit pour lui la béatitude : « bienheureux les pauvres de cœur, ils verront Dieu » (Mt 5,3)

Ce décès de nos deux prêtres diocésains nous amène à parler d’un autre sacrement, le sacrement de l’ordre. Il est particulier en ce sens qu’il est réservé à quelques-uns, à des hommes appelés à être configurés au Christ serviteur, prêtre et apôtre. Ce n’est pas un sacrement universel contrairement aux autres, mais un sacrement au service de tous les fidèles dans l’Église. Peu sont appelés, mais ils le sont pour tous, pour être serviteurs de tous. Ceci explique l’attachement des croyants à leurs pasteurs, leur prière pour eux, leur solidarité concrète pour soutenir le quotidien spirituel et matériel de leur vie. Même les personnes non chrétiennes saluent le prêtre dans la rue, si celui-ci porte un habit reconnaissable, par un affectueux « bonjour mon père » ou encore « bonjour monsieur le curé ». J’en ai fait plusieurs fois l’expérience, de la part de chrétiens comme de musulmans, notamment lorsque j’étais curé, près de la gare de l’Est à Paris.

C’est le Christ qui a choisi des hommes pour leur transmettre ce don qui s’imprime en eux tel un sceau définitif. Comme le rappelle le Credo, ce sont en premier les évêques, successeurs des apôtres, qui portent la responsabilité apostolique, puis les prêtres, collaborateurs des évêques, qui reçoivent par délégation épiscopale le pouvoir sacerdotal de servir la sainteté du peuple des fidèles par les sacrements qu’ils donnent, à l’exception du sacrement de l’ordre et de la confirmation. L’évêque peut cependant déléguer le pouvoir de confirmer à un prêtre si les circonstances pastorales le nécessitent. Enfin, il y a le troisième degré du sacrement de l’ordre conféré aux hommes qui sont ordonnés diacres, pour être configurés au Christ serviteur, certains vivant cette étape en vue du sacerdoce souvent reçu alors une année plus tard, et d’autres demeurant diacres permanents en servant la communauté locale et leur diocèse. Dans l’Église catholique latine, la tradition a accueilli le charisme du célibat pour recevoir le sacrement de l’ordre à l’exception des hommes mariés qui deviennent diacres permanents. Ce don exprime la grâce reçue de Dieu pour être tout à lui, tout à son service et par voie de conséquence au service des fidèles. Il dit encore que l’amour de Dieu, celui que l’on reçoit de Dieu comme celui que le fidèle donne à Dieu en retour, est si merveilleusement grand et comblant qu’il peut remplir une vie d’homme et répondre à ses besoins affectifs. Bien entendu, ceux qui se proposent comme prêtre ne doivent pas vivre cet appel comme un refus de la vocation naturelle du mariage entre un homme et une femme, ni tomber dans un angélisme béat qui ignorerait la dimension charnelle de notre personne, mais discerner la grâce de dépasser cette vocation naturelle afin de recevoir la vocation surnaturelle au célibat pour le Royaume. Ce chemin se fait en vue d’un discernement durant les sept années de séminaire.

Disons encore quelques mots sur le prêtre, puis nous parlerons du diacre dans un prochain message. Comprenons que tout ne peut pas être dit en un message si court.

Le prêtre est finalement un passeur. Il existe pour les autres, il passe dans la vie des fidèles, il arrive dans une paroisse qu’il embrasse comme sa nouvelle famille, il y sert quelques années et l’Église lui demande de prendre en charge une autre communauté. C’est pourquoi il y est pour désigner le Christ car c’est lui qu’il annonce en s’effaçant humblement. Son cœur de pasteur est à la fois tout donné à sa paroisse et il sait qu’elle ne lui appartient pas, qu’il la quittera, qu’elle sera confiée à un autre pasteur. La véritable richesse du prêtre, c’est la Parole de Dieu qu’il annonce à temps et à contretemps, une parole de vie et de consolation, une parole qui oriente ses propres missions et qui nourrit ses prédications, qui soutient son espérance et communique du courage à ceux et celles qui sont abattus. C’est cette espérance, merveilleuse vertu infusée par grâce en nos âmes, que le prêtre offre à ceux qui sont malades ou endeuillés, à ceux qui souffrent, à ceux qui cherchent à faire le bien parfois contre vents et marées. L’espérance se fait joie en lui quand il voit les fruits de l’amour mutuel, la communion retrouvée entre les personnes, la paix qui se partage dans les familles alors que le monde extérieur est si souvent traumatisé par diverses formes de violences. Le prêtre reste sur la brèche pour apporter un autre regard et une parole qui élève ceux qui ont tant besoin d’être fortifiés et conduits vers la fraternité et l’entraide.

Cette joie toute spirituelle, le prêtre l’accueille chaque matin dans sa louange et par l’offrande de sa journée. Il regarde le ciel, il pense déjà à ceux et celles qu’il rencontrera et qui attendent sa venue dans leur maison pour faire un bout de chemin avec eux. Parfois il sera la seule présence auprès de ceux qui sont seuls. S’il court beaucoup, c’est qu’il veut être tout à tous. Mais il ne peut le faire que si l’Esprit Saint l’habite afin que sa course ne soit pas une agitation vaine mais un élan du cœur qui apporte le Christ à ses frères et sœurs.

Avec le soir vient l’action de grâce, le temps d’une relecture et d’un remerciement pour les cadeaux de la journée. Le prêtre se rappelle alors les bienfaits dont il fut le témoin et le bénéficiaire, il revoit les visages souriants, mais aussi les visages éplorés qui l’ont accueilli afin que leur soit partagée par lui une parole de réconfort. Il passe, le prêtre, en faisant le bien puis il se retire avec délicatesse.

Son ministère prend des formes variées même si le petit nombre de prêtre les conduit aujourd’hui à servir en paroisse comme vicaires, puis souvent comme curés. D’autres reçoivent des missions spécifiques : aumônier d’hôpital ou de prison, recteur ou chapelain dans un sanctuaire, professeur ou même chercheur, ouvrier ou prêtre au travail, artiste, supérieur ou directeur de séminaire, ambassadeur de l’Église (que l’on appelle nonce), agriculteur (comme le père Jean-Marie en Eure & Loir). Car le ministère ne peut pas ignorer, sans tordre leur humanité, certaines dispositions et aptitudes de ces hommes devenus prêtres, et c’est parfois dans ces tâches plus originales qu’ils réalisent des ponts avec nos contemporains pour les accueillir et leur annoncer la Bonne Nouvelle du salut, car quel que soit l’itinéraire, la vocation sacerdotale est l’évangélisation en vue de faire connaître l’appel au Ciel et à la rencontre du Dieu de Jésus-Christ.

Ces lignes n’épuisent pas le sujet du sacerdoce et je vous recommande le livre La grave allégresse, être prêtre aujourd’hui, écrit original de mon frère et ami, le père François Potez. Prions encore maintenant pour demander au Père des ouvriers qui seront prêtres pour notre Église.

Ô Père, Dieu de bonté,
Nous te confions les jeunes appelés à la sainteté,
Bénis leur vie et leurs projets.
Nous te supplions de susciter parmi eux
des vocations consacrées et sacerdotales.

Jésus doux et humble de Cœur,
Donne-nous des prêtres selon ton cœur.
Qu’ils s’offrent pour célébrer
le saint sacrifice de la messe et les sacrements,
Qu’ils annoncent l’Évangile à tous,
en notre diocèse de Chartres.

Esprit de sagesse et de lumière,
Guide-les et protège-les,
Inonde-les de ta paix et de ta joie.
Face à cet appel, ôte la crainte,
Aide-les à franchir les obstacles,
et comble-les de ton Amour infini.

Sainte Mère de Dieu, Notre Dame de Chartres,
Intercède pour ces jeunes si généreux,
aide les parents à accueillir
la vocation de leur enfant,
nous t’en remercions.

Amen