#241 «Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle !»
La rentrée scolaire nous ouvre une nouvelle page pour aborder la mission au sein de nos paroisses. L’été a permis à certains de vivre une retraite, un pèlerinage, une session, sources de renouvellement spirituel. Gardons en mémoire, en prenant quelques notes utiles pour les relire, les appels de l’Esprit qui ont retenti en nous afin de faire avancer notre réflexion commune et poser des choix missionnaires. Le souffle des JMJ nous a tous atteint et l’Église en Eure & Loir avancera si elle sait en accueillir les bons fruits. À Lisbonne, des jeunes français ont pris formellement un engagement soit pour se mettre au service des pauvres, soit pour œuvrer pour la paix, soit encore pour être missionnaire au nom de Jésus et l’annoncer à ceux et celles qui l’ignorent. Mais répondre à cet engagement n’impose-t-il pas une rupture, un changement de vie ?
Alors que la moisson est partiellement achevée, à l’exception du maïs et du tournesol encore à récolter, un texte de l’évangile nous interpelle : « si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12, 24). Le grain meurt-il réellement ? Jésus connaît bien la nature, il vit dans un village rural. Il voit que le grain semé en terre disparaît et qu’un plan de blé apparaît après. Aujourd’hui, la biologie décrit qu’il germe et qu’une pousse perce son enveloppe, recevant de lui force et spécificité. Une nouvelle vie en jaillit et passe dans la plante qui naît de lui. Il y a simultanément une continuité et une rupture car le grain laisse la place à une nouvelle forme végétale. L’exemple du grain permet à Jésus d’ajouter le message central de son propos : « qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle » (Jn 12, 25). Or nous aimons notre vie puisqu’elle est un don de Dieu. Ici, le verbe grec philo indique un amour réciproque, et non l’amour absolu pour lequel la langue grecque utiliserait le verbe agape. Nous aimons notre vie et nous y sommes attachés, car en France elle est généralement agréable : nous bénéficions de soins médicaux gratuits et de confort, les magasins sont achalandés en tous produits, les routes permettent de nous déplacer où nous le voulons, la culture et les arts sont accessibles à tous. Nous tenons à cette vie, aux joies qu’elle nous procure, nous l’assurons, nous la maîtrisons, nous anticipons nos besoins futurs et nous épargnons pour un avenir satisfaisant. Nous aimons généralement notre vie, même si les conditions matérielles ne sont pas les meilleures, car nous avons une famille, quelques bons amis. Nous sommes heureux de nous retrouver et de partager de bons moments comme durant nos vacances. Ne pas aimer sa vie apparaît contraire aux invitations des coachs et des gourous du bien-être. Mais parfois c’est la vie qui nous tient, elle nous oblige à demeurer dans un même cadre auquel nous sommes devenus dépendants. Une vie riche peut nous lier. Certains ont des rêves qu’ils n’osent pas réaliser puisque ce serait un risque de perdre ce que l’on possède déjà, notamment une belle situation professionnelle, pour un avenir incertain. Partir sans savoir vers où à l’instar d’Abraham est alors décrit comme une folie. Quand une famille avec des jeunes enfants quitte tout pour servir comme coopérants quelques années dans un quartier difficile, ou dans une favela en Amérique latine, ou pour vivre dans un éco-village un projet évangélique et communautaire, il y a toujours quelqu’un pour dire que ce n’est pas raisonnable.
Faut-il donc perdre sa vie comme Jésus l’affirme pour être son disciple ? Comment comprendre cela ? Je vous propose d’illustrer l’évangile par l’histoire de la chenille devenue un papillon. Elle m’est apparue adéquate pour commenter cette affirmation difficile et exigeante de Jésus. Essayons donc d’aller de l’avant avec cette nouvelle comparaison : la transformation de la chenille en un papillon. La chenille meurt-elle quand elle devient une chrysalide de laquelle sort un papillon ? Nous devons affirmer qu’il y a une continuité de la vie jusqu’au papillon mais aussi une discontinuité puisque la papillon est totalement différent de la chenille, par sa beauté, son pouvoir de voler, sa forme et ses ailes. C’est une sorte de miracle de la nature qui laisse pantois tellement la métamorphose semble incroyable. Ainsi, comment les ailes si belles et délicates du papillon ont-elles pu émerger du corps rond et parfois grossier de la chenille ? Si perdre sa vie, comme la chenille, veut dire se laisser transformer au point que le vieil homme disparaît pour laisser advenir un être nouveau, là nous commençons à comprendre. Saul perd sa vie antérieure pour devenir saint Paul. Pierre, Jacques et Jean abandonnent leur famille et leur métier pour devenir pêcheurs d’hommes et apôtres. Lévi, collecteur d’impôts, se lève et suit Jésus pour devenir Matthieu disciple et évangéliste. Tant de saints et saintes ont totalement remis en cause leur statut social, parfois royal, pour devenir moine, moniale, missionnaire, souvent au service des pauvres alors qu’ils bénéficiaient antérieurement des richesses dues à leur rang.
Dieu veut nous donner un esprit nouveau, mettre en nous un cœur nouveau. Comment comprendre ? Comment accepter cette discontinuité par une vie différente qui peut choquer nos proches quand l’un abandonne son métier et entre au séminaire ou au monastère ? Nous sommes comparables aux chenilles, nous nous mouvons mais nous ne savons pas trop ce que nous pourrions devenir. La chenille est totalement programmée pour devenir chrysalide puis papillon. La chenille n’a aucune conscience de ce qu’elle va devenir, elle ne sait pas, elle qui rampe, qu’un jour futur elle volera. À l’inverse, nous ne sommes pas programmés, nous avons une intelligence et un cœur, une mémoire et une volonté pour entreprendre librement un voyage imprévu et incertain vers un inconnu nouveau avec la foi que l’Esprit de Dieu nous mène sur la bonne voie. Or cela appelle notre libre décision, ce qui rend cette étape difficile.
Comment engager notre vie ? Comment oser prendre le risque de nous mettre en route ? Si c’est pour un temps donné, comme ceux ou celles qui partent en coopération, passe encore… Mais n’est-ce pas folie que d’engager sa vie entière à la suite de Jésus-Christ ? Beaucoup de catholiques n’osent pas franchir ce seuil. Les richesses et les sécurités de notre vie sociale les retiennent. Comment abandonner sa vie de chenille si nous n’avons aucune idée que nous pourrions devenir un papillon ?
Certes et heureusement, nous avons le témoignage de ces héros de la foi qui se sont levés, ont engagé leur vie, se sont mis au service des autres, ont tout risqué en lâchant leur sécurité matérielle et qui nous laisse un témoignage bouleversant. Regardons-les ! Regardons sainte Claire et son ami saint François d’Assise. Elle venait d’une famille aristocrate, lui était marchand et bourgeois. Leurs familles étaient donc différentes, leurs cultures les opposaient. Le Christ les a réunis dans un même désir. De la chrysalide sont sortis deux papillons merveilleux, les franciscains et les clarisses. L’Église en fut renouvelée. Les disciples affluèrent. Huit siècles plus tard, la mémoire conserve les merveilles que Dieu a opérées par eux. C’est pourquoi, nous recherchons en nous-mêmes le signe qu’un trésor y est déposé et caché. Ce trésor est en réalité Jésus-Christ lui-même. Perdre sa vie nous conduira vers un monde nouveau et enthousiasmant si c’est Jésus qui nous guide et nous comble des dons de son Esprit Saint. Ce sera une nouvelle vie, peut-être celle des moniales et des moines, des prêtres et des consacrés ; ou ce sera la vie de laïcs catholiques vivant le double commandement de l’amour, en aimant Dieu en premier de tout son cœur, de toute son âme, de toute sa force, de tout son esprit. Oui, Dieu premier servi.
Voyons comment cela s’incarne en vérité dans notre vie. Que veut dire pour chacun de nous « aimer de toute notre force » ? Quitter une vie que nous aimons nous ouvre le chemin vers une nouveauté que nous ne devons pas craindre si notre guide est l’Esprit Saint. Ce chemin sera nouveau par une vie imprévue et enthousiasmante, pleine de Dieu. Nous espérons des vocations sacerdotales et religieuses pour notre diocèse et pour l’Église. Il est bon de voir des catholiques oser engager leur vie par amour de Jésus, car leur témoignage encourage à risquer sa vie à la suite de Jésus. La force de leur don bousculera notre léthargie et nous oserons voler comme un papillon, mieux que de ramper telle une chenille, ignorant le monde futur qui se donne à contempler d’en-haut. Mes amis, envolons-nous, c’est le temps de la moisson de l’Église, et les ouvriers y sont attendus.
L’Église accompagne notre chemin par les sacrements qui nourrissent nos âmes, appuyons-nous donc fréquemment sur l’eucharistie. Nous y recevons le Christ et sommes envoyés en mission. Je vous propose de prier régulièrement dès cette rentrée, en faisant des choix précis pour vivre des rendez-vous quotidiens avec la lectio divina, le chapelet, la méditation.
Prions maintenant avec une prière nouvelle pour les vocations afin de répondre à l’invitation pressante de Jésus en vue des vocations :
Prière pour les vocations
Ô Père, Dieu de bonté,
Nous te confions les jeunes appelés à la sainteté,
Bénis leur vie et leurs projets.
Nous te supplions de susciter parmi eux
des vocations consacrées et sacerdotales.
Jésus doux et humble de Cœur,
Donne-nous des prêtres selon ton cœur.
Qu’ils s’offrent pour célébrer
le saint sacrifice de la messe et les sacrements,
Qu’ils annoncent l’Évangile à tous,
en notre diocèse de Chartres.
Esprit de sagesse et de lumière,
Guide-les et protège-les,
Inonde-les de ta paix et de ta joie.
Face à cet appel, ôte la crainte,
Aide-les à franchir les obstacles,
et comble-les de ton Amour infini.
Sainte Mère de Dieu, Notre Dame de Chartres,
Intercède pour ces jeunes si généreux,
aide les parents à accueillir
la vocation de leur enfant,
nous t’en remercions.Amen.