#223 «Après cela, je répandrai mon esprit sur toute chair; Vos fils et vos filles prophétiseront.»
Ce vendredi 28 avril, alors que vous parvient ce message, j’ai la joie de me trouver au Québec avec une délégation du diocèse de Chartres, dont les pères François Muchery, Didier Henry et Jacques Pottier. Nous sommes venus ici pour rencontrer l’Église catholique du Canada et fêter avec elle les 400 ans de la naissance de saint François de Montmorency-Laval, né en Eure et Loir, le 30 avril 1623. Envoyé par le roi Louis XIV, il fut le premier évêque de ce pays. Ce dimanche 30 avril, nous aurons une célébration eucharistique en la cathédrale Notre-Dame du Québec avec son Éminence le cardinal Gérald Cyprien Lacroix. J’ai la joie de retrouver ici, dans la paroisse des étudiants, saint Thomas d’Aquin, les pères Benoît Guédas et Martin Lagacé qui furent mes vicaires dans le passé. Ils nous parleront de la dynamique missionnaire que leur paroisse porte ici au sein d’une société très sécularisée et américanisée.
Nous voici arrivés au troisième mystère glorieux du chapelet, la Pentecôte. Il nous faut resituer l’événement. Avant sa passion, Jésus a promis d’être avec ses disciples tous les jours de leur vie et pourtant il les quitte physiquement le jour de son ascension. Il leur avait fait une promesse : « si vous m’aimez, vous garderez mes commandements. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous : l’Esprit de vérité, lui que le monde ne peut recevoir, car il ne le voit pas et ne le connaît pas ; vous, vous le connaissez, car il demeure auprès de vous, et il sera en vous. Je ne vous laisserai pas orphelins, je reviens vers vous. » (Jn 14, 15-18) Cette promesse n’est-elle pas merveilleuse et énigmatique tout à la fois ? Ne pas demeurer orphelins à cause de l’absence définitive de leur maître était une bonne nouvelle pour les disciples. Pour recevoir ce don, l’Esprit de vérité, ils savaient que l’amour était le chemin. Il leur fallait aimer Jésus toujours et en signe de cet amour, garder ses commandements. Lesquels ? Jésus les avait résumés : un amour inconditionnel envers Dieu et envers son prochain mais aussi s’aimer soi-même. Qui était cet esprit de vérité promis par Jésus que l’on ne pourrait pas voir ? Était-ce le souffle créateur qui planait sur les eaux à l’origine de la création ? Était-ce cet esprit nouveau annoncé par Ézéchiel (Cf. Ez 36) ? Jésus n’avait-il pas déjà dit aux apôtres « recevez l’Esprit Saint » en soufflant sur eux ? Allaient-ils recevoir un autre esprit ? Jésus affirmait pourtant aux apôtres qu’ils connaissaient déjà l’Esprit et que l’Esprit demeurait auprès d’eux. Il ajoutait que l’Esprit serait bientôt « en eux », en dedans d’eux, comprend-on. N’est-ce pas là la nouveauté soit vivre avec la présence de l’Esprit de Dieu en soi ?
C’est dans ce contexte complexe, fait d’espérance et de crainte, que les apôtres et certains disciples avec la Vierge Marie se sont mis en prière au Cénacle à Jérusalem, ils ont prié comme de bons juifs fidèles, ils ont partagé les faits et les paroles de Jésus collectés depuis trois années, ils se sont raconté les merveilles de ses miracles. Leur mémoire s’est enrichie de ce qu’ils auraient à dire ou à écrire pour transmettre l’histoire du salut et comment cette grâce est voulue par Jésus pour les pauvres et tous les petits, qu’elle est une bonne nouvelle à annoncer aux nations de la Terre. Mais quand arriverait ce don de l’Esprit de vérité et quels effets il aurait sur eux, aucun ne pouvait encore le dire. Neuf jours plus tard, c’est la fête juive de la Pentecôte. Ce mot veut dire cinquante. Il s’agit pour le peuple hébreu de faire mémoire de sa sortie d’Égypte et du don de la loi fait par Dieu à Moïse sur le mont Sinaï quand celui-ci reçut les tables de la loi sur lesquelles étaient gravés les dix commandements. C’est ce jour-là, alors que les juifs vivent cette fête, qu’un événement extraordinaire se produit raconté par Luc dans son livre les Actes des Apôtres (Act 2, 1-4). On parle d’un grand bruit tel un coup de tonnerre, de langues de feu qui apparaissent sur chacun, du don des langues donné aux disciples et la libération collective de toutes les peurs afin de sortir à la rencontre des juifs venus en pèlerinage de toute la diaspora juive du Bassin Méditerranéen. À Jérusalem, les gens parlent dans tous les idiomes de l’Empire et ils vont entendre la prédication des apôtres dans leur propre langue. Ces disciples de Jésus que les juifs qualifient « d’hommes sans culture et simples particuliers » (Act 4, 14) reçoivent une audace stupéfiante pour parler sans retenue aux foules du projet divin de Jésus qu’ils annoncent être ressuscité, qu’ils nomment le Messie et qui vient pour le salut de tous. Pierre debout au milieu des onze parcourt l’histoire sainte et les prophéties juives pour affirmer que Jésus est le messie mis à mort et ressuscité, il affirme clairement le cœur de la foi nouvelle « Ce Jésus, Dieu l’a ressuscité ; nous tous, nous en sommes témoins. Élevé par la droite de Dieu, il a reçu du Père l’Esprit Saint qui était promis, et il l’a répandu sur nous, ainsi que vous le voyez et l’entendez » (Act 2, 33). Tant sont touchés que ce jour-là, près de trois milles choisissent de devenir disciple du Christ (Cf. Act 1, 41). Ces convertis voient la puissance de l’Esprit maintenant répandu sur ces apôtres, ils désirent à leur tour en bénéficier, ils s’offrent au Christ et deviendront témoins. Pierre leur désigne la voie à emprunter : « Convertissez-vous, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus Christ pour le pardon de ses péchés ; vous recevrez alors le don du Saint-Esprit. »
La Pentecôte devient une fête chrétienne qui inaugure la vie missionnaire de la première communauté chrétienne constituée des apôtres et disciples qui avaient suivi Jésus durant les trois années de sa vie publique et qui va rapidement s’accroître des nouveaux convertis, au début issus du milieu juif et bientôt avec des païens romains tel Corneille, centurion romain, et sa famille (voir Act 10). Les apôtres avaient ainsi déjà bénéficié en plusieurs occasions de la force du Saint Esprit, entre autres pour aller deux par deux annoncer le Royaume. C’est vrai aussi pour les chrétiens qui le reçoivent au baptême et en chaque sacrement. C’est cependant lors du sacrement de la confirmation que nous vivons plus pleinement un renouveau spirituel dans la puissance de l’Esprit. Par l’imposition des mains de l’évêque accompagnée de l’onction du Saint Chrême reçue sur le front et de la parole « reçois le Saint Esprit le don de Dieu », le chrétien est complètement initié afin de vivre comme disciple-missionnaire en notre monde sécularisé. Si l’Esprit Saint guidait déjà sa vie, on peut comprendre qu’il lui donne tous les dons et charismes pour embrasser sa vocation à la sainteté et à la mission. L’Esprit ne nous est plus retiré, il nous accompagne.
Maintenant, nous comprenons que nous ne sommes plus orphelins. Certes nous ne voyons pas la personne de l’Esprit, mais nous pouvons discerner le fruit de son action par les formes diverses expérimentées de cette action : l’amour, la joie, la paix, la douceur, la bonté, la maîtrise de soi, la confiance, etc. Vivre dans la lumière de l’Esprit demande un engagement quotidien, appelle une invocation de l’Esprit comme l’ami que l’on sollicite avec insistance. Jésus avait affirmé que le Père du Ciel enverrait l’Esprit à ceux qui le lui demanderaient. Là est notre rôle, insister à temps et à contre-temps auprès de Dieu pour être remplis de sa présence. L’Esprit est la personne-amour au sein de la Trinité. Celui qui a l’Esprit a tout de Dieu, Dieu est en lui, Dieu fait sa demeure en lui, il a l’Amour divin qu’il peut concrétiser par l’amour du prochain jusqu’à l’amour de l’ennemi. « C’est en lui que nous crions « Abba ! », c’est-à-dire : Père ! » (Rm 8, 15) L’Esprit de vérité ajuste la vie du croyant, et quand nous sommes faibles « l’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut. L’Esprit lui-même intercède pour nous par des gémissements inexprimables. » (Rm 8, 26) Ainsi l’Esprit nous ajuste à la justice divine de Dieu qui désire que tout homme soit sauvé et que chacun brille dans ce monde par la vie divine reçue à chaque instant. Nous devenons justes par pure grâce dans la mesure où notre personne s’ouvre pleinement à ce don. L’Esprit nous remplit au point que l’apôtre Paul dira « ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi » (Gl 2, 20), et nous pouvons ajouter par la présence et la puissance de l’Esprit.
Alors le chrétien entre dans la confiance. Le chemin est Jésus et nous empruntons la voie qu’il trace devant nous, tel le bon pasteur car il connaît ses brebis et il sait où il désire les mener c’est-à-dire vers le Cœur aimant de Dieu. Les verts pâturages dont parle le psaume 23 sont bien une image spirituelle pour décrire le bon bercail où reposer en paix, dans l’amour. De même, c’est le Cœur divin de Dieu que nous représentons par le Sacré-Cœur de Jésus, un cœur enflammé par l’amour, c’est-à-dire l’Esprit.
Prier le mystère de la Pentecôte nous permet et nous encourage à demander en chaque occasion une nouvelle effusion du Saint Esprit, soit le renouvellement des grâces de notre confirmation. Dieu le désire en réalité pour répandre la bonne nouvelle et établir son Royaume de paix et d’amour. Nous nous faisons les serviteurs de sa volonté en nous y soumettant pour trouver notre propre liberté et participer activement à son dessein de salut.
Je vous propose d’invoquer le saint Esprit par la version française du Veni Creator. Dites souvent cette prière, chantez-la si vous le pouvez, en retrouvant la mélodie sur Internet. C’est un texte inspirant qui s’appuie sur l’Écriture pour parler des dons de l’Esprit.
Viens Esprit Saint, Viens en nos cœurs,
Viens Esprit Saint, viens consolateur.
1 – Viens, Esprit Créateur, nous visiter,
Viens éclairer l’âme de tes fils ;
Emplis nos cœurs de grâce et de lumière,
Toi qui créas toute chose avec amour.
2 – Toi le don, l’envoyé du Dieu Très Haut
Tu t’es fait pour nous le défenseur ;
Tu es l’amour, le feu, la source vive,
Force et douceur de la grâce du seigneur.
3 – Donne-nous les sept dons de ton amour,
Toi le doigt qui œuvres au nom du Père ;
Toi dont il nous promit le règne et la venue,
Toi qui inspires nos langues pour chanter.
4 – Mets en nous ta clarté, embrase-nous,
En nos cœurs, répands l’amour du Père ;
Viens fortifier nos corps dans leur faiblesse,
Et donne-nous ta vigueur éternelle.
5 – Chasse au loin l’ennemi qui nous menace,
Hâte-toi de nous donner la paix ;
Afin que nous marchions sous ta conduite,
Et que nos vies soient lavées de tout péché.
6 – Fais-nous voir le visage du Très-Haut,
Et révèle-nous celui du Fils ;
Et toi l’Esprit commun qui les rassembles,
Viens en nos cœurs, qu’à jamais nous croyions en toi.
7 – Gloire à Dieu notre Père dans les cieux,
Gloire au Fils qui monte des enfers ;
Gloire à l’Esprit de force et de sagesse,
Dans tous les siècles des siècles. Amen.