#206 » Vous êtes tous frères » (Mt 23,8), bonne année ensemble ! «
Lors d’un bel échange dans les locaux du journal départemental, l’Écho Républicain, il m’a été demandé mon souhait pour notre Église catholique en ce début d’année 2023. Bien entendu, l’espérance demeure le « best-off » parmi nos désirs. Or celle-ci a besoin d’actes concrets, et n’est-ce pas la fraternité et l’hospitalité qui peuvent apporter un cadre propice pour faire croître l’espérance ? Nos églises rassemblent des personnes de toutes conditions, âges, origines sociales et même nationalités. C’est une merveilleuse chance de se retrouver pour écouter et partager l’Évangile afin de discerner ensemble la voie de la fraternité en ouvrant nos cœurs et nos portes aux autres. L’annonce de la Bonne Nouvelle est portée par le témoignage de la fraternité. Il ne s’agit pas seulement de partager un café ou un apéritif, mais bien de prendre soin de l’autre, de sa sœur, de son frère. Le Pape François a choisi comme péricope biblique la parabole du bon samaritain (Luc 10, 25-37) pour illustrer son propos sur la fraternité. Il parle d’un « prochain sans frontières ». Les relations humaines ne manquent pas de frontières, physiques et visibles comme le terrible mur construit en Israël, intérieures et invisibles car présentes dans le cœur et l’esprit. Ces frontières peuvent être entre les générations, entre les ruraux et les citadins, entre les euréliens et les accourus – terme uniquement en Eure & Loir pour désigner une personne venue d’ailleurs -, entre les beaucerons et les percherons, entre les gens de couleur et ceux qui sont roses, entre les hommes et les femmes, etc. Or l’Église peut faire tomber les frontières. Être tous frères dans le même corps du Christ et de l’Église, voici le vœu que nous pouvons rendre réel durant l’année qui vient. Pour cela, nous devons choisir la communion par le partage liturgique et l’action caritative, au-delà de nos aspirations personnelles et sensibles. La communion se fonde sur une part de sacrifice et d’oubli de soi, comme pour un couple qui veut s’aimer toute sa vie, les époux acceptant de ne plus pratiquer certaines activités si elles affectent la communion conjugale.
Avec la fraternité vient le désir de paix et les vœux que nous formulons. En ces jours de passage à l’année nouvelle, alors que la guerre en Ukraine continue avec une extrême gravité, comment pouvons-nous être acteur de la paix à notre niveau ? La paix, tous se la souhaitent, mais n’est-t-elle menacée à côté de nous, entre voisins, dans nos familles et nos communautés ? Nous sommes faits pour aimer et nous laisser aimer. Citons le Pape François dans son encyclique Fratelli tutti (n°92) : « La teneur spirituelle d’une vie humaine est caractérisée par l’amour qui est somme toute “le critère pour la décision définitive concernant la valeur ou la non-valeur d’une vie humaine” […]. Nous, croyants, nous devons tous le reconnaître : l’amour passe en premier, ce qui ne doit jamais être mis en danger, c’est l’amour ; le plus grand danger, c’est de ne pas aimer (cf. 1 Co 13, 1-13) ». La fraternité n’est pas seulement la mise en commun d’une action, d’un lieu ou d’un temps. Si le cadre pour vivre cette fraternité est nécessaire, seul l’amour vrai donnera une âme, un lien, une consistance à cette fraternité désirée. Cet amour passe par une attention affective à l’autre, en cherchant son bien gratuitement, donc sans y voir un quelconque avantage. L’autre est considéré pour sa valeur « en soi », pour son être aimable, sans attendre de retour à l’amour offert. Le pape complète son propos en nous disant : « L’amour implique donc plus qu’une série d’actions bénéfiques. Les actions jaillissent d’une union qui fait tendre de plus en plus vers l’autre, le considérant précieux, digne, agréable et beau, au-delà des apparences physiques ou morales. L’amour de l’autre pour lui-même nous amène à rechercher le meilleur pour sa vie. Ce n’est qu’en cultivant ce genre de relations que nous rendrons possibles une amitié sociale inclusive et une fraternité ouverte à tous. » (Fratelli tutti n°94) Ce terme d’amitié sociale est au cœur de la réflexion du saint Père comme un fondement nouveau pour nos relations entre acteurs de la vie civile. Le pape précise que l’amitié sociale est une amitié au-delà des frontières. L’amitié est précieuse et elle se construit dans la durée. Peut-on entrer en amitié avec des collègues de travail, des personnalités de la vie municipale ou politique, des personnes du milieu de la culture et de l’entreprise ? Spontanément, nous penserions que cela ne se peut pas. Pourtant, ne sont-ils pas des frères et des sœurs créés comme nous le sommes par la volonté de Dieu ? Pouvons-nous les considérer comme de possibles amis ? Jésus dit « tous vous êtes des frères » (Mt 23, 8). Les médias grâce auxquels nous communiquons avec le monde entier et voyons agir des systèmes politiques si divers nous permettent de mieux comprendre et plus que jamais notre interconnexion et notre interdépendance tant économique que culturelle. Nous sommes liés entre nous. Nos pays ne pourront pas accéder à un niveau satisfaisant pour tous sans une réelle collaboration entre États, afin que chacun reçoive les biens indispensables à une vie normale et sobre. Cela appelle un effort de volonté, de décision et d’ouverture les uns aux autres toujours à rechercher tant dans l’Église qu’à tous les niveaux de la société des hommes.
En ce début d’année nouvelle, les mots du pape que je vous donne ci-après sont comme un vœu qui dévoile le difficile chemin à parcourir pour une vraie justice et un avenir fraternel. Voici ce qu’il écrit encore dans son encyclique Fratelli tutti : « Je voudrais faire mémoire de ces ‘‘exilés cachés’’ qui sont traités comme des corps étrangers dans la société. De nombreuses personnes porteuses de handicap sentent qu’elles existent sans appartenance et sans participation. Il y en a encore beaucoup d’autres qu’on empêche d’avoir la pleine citoyenneté. L’objectif, ce n’est pas seulement de prendre soin d’elles, mais qu’elles participent activement à la communauté civile et ecclésiale. C’est un chemin exigeant mais aussi difficile, qui contribuera de plus en plus à former les consciences à reconnaître chaque individu comme une personne unique et irremplaçable. Je pense aussi aux personnes âgées, qui, notamment en raison de leur handicap, sont parfois perçues comme un fardeau. Cependant, chacune d’entre elles peut apporter une contribution irremplaçable au bien commun à travers son parcours de vie original. Je me permets d’insister : il faut avoir le courage de donner la parole à ceux qui subissent la discrimination à cause de leur handicap, parce que, malheureusement dans certains pays, on peine aujourd’hui encore à les reconnaître comme des personnes de dignité égale ». (n°98)
Cette fraternité ouverte à tous, nous pouvons la demander par la Vierge Marie. Elle a reçu de son fils la mission d’être notre mère. À la Croix nous sommes tous comme le disciple Jean : nous devenons ses enfants. Nous croyons que Marie prend soin de nous et qu’elle nous protège, cela depuis l’origine du christianisme, comme saint Irénée, évêque de Lyon (+ 202) l’affirme quand il lui donne le titre d’avocate. Marie vient nous rassembler, et elle y réussit plutôt bien si nous regardons les grands pèlerinages mariaux dans le monde entier. Auprès d’elle, nous ressentons sa présence, sa prière et ses encouragements à nous mettre ensemble à la suite de Jésus son fils et à faire confiance au Saint Esprit comme elle le fit pour enfanter le Verbe divin par son sein maternel. Prier la Vierge Marie appartient à la Tradition de l’Église catholique et l’Église orthodoxe. Seuls les protestants en ont été privés par les réformateurs. Pourtant la Vierge elle-même prophétisait que « toutes les générations la diraient bienheureuse » (Lc 1, 48). Le pape Saint Paul VI disait dans son encyclique Marialis Cultus que si le Christ est bien l’unique chemin vers le Père, la Vierge nous attire vers lui et notre dévotion mariale nous dispose à entrer dans les sentiments de la Mère de Dieu pour convertir nos vies et nous mettre pleinement à la suite de Jésus, habités par le saint Esprit, dans la présence de Dieu. Prier ensemble, par exemple dans la pratique communautaire du chapelet que le pape Pie XII a appelé « le résumé de tout l’Évangile », expression que saint Paul VI reprend à son compte, nous donne à vivre plus fraternellement notre foi. Ainsi les « équipes du Rosaire » contribuent-elles à cette unification des enfants de la Vierge et donc à la communion dans l’Église. En ce début d’année 2023, pourquoi ne pas rejoindre une de ces équipes ou constituer dans votre village une équipe de fidèles autour de la prière du chapelet ?
Voici le moment de nous souhaiter nos meilleurs vœux, pour vous-mêmes et pour tous vos proches. Que la santé du corps et celle du cœur vous soient accordées. Que vos projets soient bénis surtout s’ils contribuent au rayonnement du Royaume de Dieu. Je vous assure de ma prière, particulièrement pour ceux et celles dont j’ai connaissance qu’ils vivent des moments de douleurs.
Prière de consécration à Notre Dame de Fatima
« Vierge Marie, Mère de Dieu et notre Mère, nous nous consacrons à Votre Cœur Immaculé pour être pleinement offerts et consacrés au Seigneur. Par Vous, nous serons présentés au Christ, votre Fils et Fils unique de Dieu, et, par Lui et avec Lui, à son Père Éternel.
Nous marcherons à la lumière de la foi, de l’espérance et de l’amour pour que le monde croie que le Christ est l’Envoyé du Père dont Il est venu nous transmettre la Parole.
Nous serons nous aussi Ses envoyés afin de Le faire connaître et aimer jusqu’aux confins de la terre. Ainsi, sous la maternelle Protection de Votre Cœur Immaculé, nous serons un seul peuple avec le Christ qui nous a acquis par sa Mort, témoins de sa Résurrection, et par Lui offerts au Père pour la Gloire de la Très Sainte Trinité, que nous adorons, louons et bénissons, Amen »
Monseigneur Alberto Cosme do Amaral