#203 « Fortifiez les mains défaillantes, affermissez les genoux qui fléchissent ! »

Ce jour, j’ai eu la joie de célébrer la messe parmi les résidents âgés de la Maison Saint Charles. Il est heureux qu’en Eure & Loir, dans de nombreuses maisons de retraite, des chrétiens visitent et animent la prière, et que nos prêtres y célèbrent l’eucharistie. On goûte le bonheur des anciens qui ont en mémoire des chants et des textes. Ces moments spirituels apaisent et disposent l’âme à la rencontre de Dieu. Chez ces personnes âgées, un jour vient où l’on sent le corps avoir des difficultés à nous porter. Les genoux fléchissent, se hisser devient douloureux, les forces manquent, un tremblement saisit les mains, enfiler le fil dans le chas de l’aiguille devient impossible. La fragilité se fait plus visible au fil des ans. Dans la société, des voix promeuvent un transhumanisme qui anticiperait ce vieillissement en nous garantissant des organes jeunes. D’autres gens pensent que l’homme vieux doit tirer sa révérence pour laisser la place à une nouvelle génération et ne pas peser financièrement.

Pourtant, la vieillesse est le moment du temps long, de la disponibilité à l’écoute, de la patience. C’est la rencontre possible avec les jeunes enfants à qui raconter ses histoires d’antan. C’est la tendresse quand une main ridée en saisit une autre ou caresse la joue d’un proche. C’est la sagesse quand on évite d’avoir un avis sur tout, un jugement sur tous. C’est le moment des bilans et des relectures de vie, comme celui d’envisager cet après inconnu et mystérieux nommé le Ciel.

Ces jours d’Avent, de douceur et de préparation à Noël ne sont-ils pas propices à visiter nos anciens, cette vieille tante qui est seule ou ce grand-père diminué ? Notre humanité montre sa grandeur quand elle permet ces relations aimables et simples. Elle offre le soutien mutuel que beaucoup de personnes précaires espèrent voir venir. L’entraide répond à la demande de Jésus qui lave les pieds des disciples et leur demande de le faire à leur tour, les uns aux autres, comme il a fait pour eux. Comment laisser seules ces personnes qui regardent fixement tout le jour par le carreau avec l’espoir ténu que quelqu’un les visite ? Faute de rencontres physiques, elles se réfugient dans le monde des rêves, d’un ailleurs tiré du passé et de leurs lointains souvenirs. Mais leur cœur est triste d’être oublié par ceux-là mêmes dont ils ont pris soin il y a longtemps. Noël n’est-ce pas une merveilleuse occasion de changer cela ?

La diaconie diocésaine de Chartres a pour mission de mettre en relation les acteurs de la charité. Appeler les chrétiens à prendre part aux équipes qui animent accueils et célébrations dans tous les lieux de précarité est une nécessité magnifique. Appeler veut dire rencontrer personnellement. Dans mon éducation d’enfant, nous n’avions pas le droit de demander à table quelque chose à la cantonade, c’est-à-dire en lançant une phrase en attendant qu’un autre convive l’entende et y réponde. Nous devions demander à une personne nominativement ce que nous voulions. Dans nos missions auprès des personnes âgées et souvent dépendantes, il en va de même. Il s’agit d’aller rencontrer des personnes. Les gens fragiles d’abord mais aussi les bénévoles disponibles. En les écoutant présenter leurs talents, on voit comment ils pourraient s’engager dans la vie fraternelle et le service des frères. « Oui, il est bon, il est doux pour des frères de vivre ensemble et d’être unis ! On dirait un baume précieux, un parfum sur la tête » (Ps 132, 1-2). Les tables ouvertes, proposées le dimanche dans plusieurs paroisses, rassemblent des hommes et des femmes de toutes conditions qui s’enrichissent en partageant leurs expériences de vie. Noël : il y a là une bonne occasion pour dresser la table, y mettre de belles décorations de Noël et s’y retrouver unis, jeunes et vieux, riches et pauvres. Prenons le temps d’y réfléchir afin de mettre en œuvre des rendez-vous de ce type.

Ce dimanche, nous écouterons un passage de l’Évangile selon saint Matthieu dont la scène se passe en prison, lieu de précarité et de peine, où Jean le Baptiste a été mis en détention car sa prédication choquait et qu’il dénonçait ceux dont la vie contredit le Loi de Moïse donnée dans la Torah. Il invitait à la conversion les juifs pharisiens, eux qui étaient fiers de leurs mœurs et de la qualité de leur culte. Jean, qui vivait dans les déserts en mangeant du miel et des sauterelles, demeure un personnage mystérieux. Interrogé par les disciples de Jésus sur son identité, il affirme que les prophéties s’accomplissent et que vient le messie attendu. Quelles prophéties ? Les aveugles voient, les sourds entendent, les lépreux sont purifiés, les boiteux marchent, les morts ressuscitent et les pauvres entendent la bonne nouvelle. Devant de tels faits, aucun juif ne pouvait rester insensible à moins de ne pas vouloir voir comme le prédisait Jésus : « ils regardent sans regarder, et ils écoutent sans écouter ni comprendre » (Mt 13, 13). Avec le Baptiste, advenait un événement nouveau, un homme allait donner au peuple courage et foi en son Dieu. Or Jean dit que celui qui vient est bien plus qu’un prophète. Que comprendre de ceci ? Pour nous qui croyons, le messie annoncé est Jésus, il est plus qu’un prophète puisqu’il est Fils de Dieu, le Verbe de Dieu fait chair venu parmi nous. Voici Noël, la nativité de Dieu parmi nous.

« Préparez le chemin du Seigneur » : voici le thème ou même le cri qui résonne en ces jours de préparatifs avant Noël. Qu’allons-nous faire dans nos maisons et au sein de nos activités personnelles ? C’est le moment de bâtir notre maison sur le roc en écoutant la parole de Dieu et en la mettant en pratique. L’Esprit Saint révèle le sens des mots que nous méditons et orientent nos sentiments dans l’amour bienveillant envers nos voisins. Pour les enfants, la création d’une belle crèche les émeut toujours et leur apprend à contempler la venue de Jésus dans la pauvreté et la joie. Certaines confectionnent des cartes de vœux que l’on peut offrir à des personnes en précarité, c’est alors pour elles un cadeau merveilleux.

L’hiver approche. Le froid se fait plus pressant, nous nous couvrons. En Ukraine, la guerre aura lieu dans des conditions affreuses, aussi prions pour la paix. Vivons déjà la grâce de Noël. Le pape François disait à Noël 2021 : « Réjouissons-nous ensemble car personne n’éteindra jamais cette lumière, la lumière de Jésus qui depuis cette nuit brille dans le monde. » Ces jours-ci, portons cette lumière à nos amis.

Seigneur,
en ce début de l’Avent, viens réveiller notre cœur alourdi, secouer notre torpeur spirituelle.
Donne-nous d’écouter à nouveau les murmures de ton Esprit qui en nous prie, veille, espère.
Seigneur,
Ravive notre attente, la vigilance active de notre foi afin de nous engager partout où la vie est bafouée, l’amour piétiné, l’espérance menacée, l’homme méprisé.
Seigneur,
En ce temps de l’Avent, fais de nous des veilleurs qui préparent et hâtent l’avènement et le triomphe ultime de ton Royaume, celui du règne de l’Amour.
(Prière extraite du site du diocèse de saint Claude)