#202 « Que le Seigneur conduise vos cœurs dans l’amour de Dieu et l’endurance du Christ ! »

Nous sommes en Avent, à l’écoute de Jésus qui vient vers nous avec douceur, comme il le fit à Bethléem, dans le silence et la discrétion. Être à l’écoute de Dieu, voici le propre de la vie spirituelle. La Vierge s’est rendue disponible pour écouter l’ange Gabriel, elle vivait en permanence avec le Seigneur, de manière consciente, et tous ses actes comme ses pensées étaient inspirés par cette relation. Son désir de Dieu était tel que faire sa volonté était son but et sa vie. Son écoute la mettait à la disposition de Dieu. Surprise par la salutation et la demande formulées par l’ange Gabriel, elle était cependant parfaitement offerte à cette sollicitation inattendue. Plus tard, Marie montre encore son écoute au temple lorsque Jésus lui dit « ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon Père ? » (Lc 2,49) et encore à Cana « femme, que me veux-tu ? » (Jn 2,4) Il en fut de même au Golgotha lorsque Jésus la déclara mère des disciples en disant « Femme, voici ton fils » (Jn 19,26). À chaque fois, Marie écoute et accueille, elle est soumise à la voix de Dieu, elle conserve ces paroles, elle se laisse interpeller et transformer. Marie est souple comme l’argile entre les mains du potier qu’est Dieu. En ces semaines de l’Avent, nous mettrons-nous à l’écoute de la Parole en acceptant de nous soumettre aux appels de l’Esprit ? Serons-nous souples entre les doigts de Dieu pour qu’il façonne en chacun son œuvre ?

Cette question de l’écoute rappelle l’épisode du collecteur d’impôts nommé Zachée. Celui-ci est petit et veut voir Jésus. Il courre et grimpe sur un sycomore pour l’apercevoir. Le Christ, arrivant au pied de l’arbre, lève les yeux et dit « Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison » (Lc 19,5). Zachée sur son arbre était pour une fois au-dessus de la foule, il la dominait. Redescendre, c’était une nouvelle fois vivre l’humiliation de sa petite taille. Cela me rappelle la réflexion peu aimable d’une religieuse de Nevers qui, voyant Bernadette descendre de la calèche qui l’amenait au couvent et découvrant sa petite taille dit à voix haute « ô Bernadette, ce n’est que ça ! ». Or Jésus voit le cœur. Ne devons-nous pas regarder les autres en mesurant leur cœur et pas leur apparence ? Lorsque Jésus demande à Zachée de descendre, celui-ci écoute, s’exécute, est touché de la parole de Jésus, et il oublie son humiliation et les commentaires acerbes de ses contemporains envers les publicains, collecteurs d’impôts pour les romains. Il descend de ce poste privilégié où il est protégé par un statut social puissant. Il devient le frère de ses frères. Il reconnaît le tort qu’il leur a fait et il désire réparer en rendant l’argent volé. La joie de la rencontre de Jésus devient sa vraie richesse. Le regard de Jésus le touche, car ce n’est ni la peur ni le jugement qu’il rencontre, mais la tendresse et la miséricorde.

Dimanche prochain nous écouterons dans l’évangile selon saint Matthieu l’appel transmis par le prophète Jean le Baptiste, celui qui baptise dans le Jourdain les hommes et les femmes juifs qui viennent à lui attirés par ses paroles puissantes (Voir Mt 3,1-12). Que leur dit-il ? « Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche. » Cette parole nous appelle à la conversion, elle retentit régulièrement dans les évangiles. Ne l’avons-nous pas souvent et peut-être trop souvent entendue ? Au point de ne plus l’entendre ? Ne nous voyons-nous pas comme des bonnes personnes, comme le pharisien de la synagogue qui dit à Dieu « je ne suis pas comme les autres hommes ! » ? Sur quels points, dans quel domaine nous convertir ? Dans une culture où bien et mal se confondent et se mélangent, ne sommes-nous pas perdus ? Qui parle encore des vertus et les enseigne aux enfants par des histoires édifiantes ? Or notre conversion presse. Dans la vie spirituelle, il ne peut être question de place pour la médiocrité et la tiédeur. Jésus lui-même nous demande d’être froid ou chaud, de répondre par oui ou non, car le reste, c’est-à-dire l’entre-deux, vient de Satan. Comment comprendre et comment entendre ses appels ? C’est par la prière et la méditation de la Parole de Dieu que nous verrons peu à peu le chemin étroit de la sainteté. Voulons-nous vivre cette merveilleuse aventure en commençant durant ce temps de l’Avent ? Essayons !

Cet Avent nous relate l’itinérance de ce saint couple, Marie et Joseph, dans l’attente de la naissance de Jésus. Ils doivent se faire recenser à Bethléem, la ville du roi David. Leur vie est précaire, leur seule assurance est leur foi au Dieu de leurs pères. Saint Paul aurait pu trouver en eux l’exemple parfait lorsqu’il parle d’un « trésor que nous portons comme dans des vases d’argile » (2 Co4,7). Dans l’espace infini de l’univers, nous pouvons être saisis par la petitesse de notre vie humaine, sa brièveté dans le temps de la création, sa fragilité. Or Dieu s’est fait proche en prenant notre condition humaine. Ce trésor, c’est Dieu lui-même. Saint Paul dit que c’est le Christ qui vit en lui. Nous sommes devenus le temple de son Esprit. N’est-ce pas incroyable d’être associé chacun à la grandeur de Dieu, nous qui sommes si fragiles et éphémères ?

Je voudrais ajouter quelques réflexions concernant les abus sexuels dans notre Église. Il est très dur pour tous, à commencer par les victimes des actes commis, aussi pour tous les fidèles, laïcs, prêtres et évêques, de découvrir ces faits et de prendre la mesure de la souffrance engendrée. Beaucoup de personnes recherchent des voies justes pour prévenir, ce qui reste un défi, pour accueillir, pour accompagner, pour protéger chaque enfant et toute personne vulnérable. Aujourd’hui, des protocoles sont mis en place avec les procureurs. Les cellules d’écoute existent pour écouter les victimes. La charte de la bientraitance s’impose à toute personne adulte en charge de mineurs dans le cadre des activités de jeunesse. Des groupes de travail ont été constitués depuis le rapport de la CIASE pour faire aboutir les recommandations reçues, une centaine de laïcs experts et clercs y sont engagés. Les fidèles compétents des différents diocèses collaborent. Pourtant, face à ces faits, nous demeurons meurtris : ils blessent les victimes et contredisent absolument l’Évangile que nous annonçons. En Eure & Loir, une douzaine de victimes ont été reçues. En cheminant avec sérieux, nous apprenons à mieux accueillir et nous travaillons en équipe pour discerner.

Ce drame des abus ne fait-il pas écho aux propos de l’apôtre saint Paul qui parle de chacun de nous comme un « vase fragile » ? Nous sommes tous des pécheurs, capables de « faire le mal que nous ne voulons pourtant pas faire », comme le dit saint Paul. Cela ne diminue pas la faute. Cela n’excuse rien. Mais nous devons le savoir pour agir. Nous savons la nature humaine blessée et faillible. Nous affrontons un combat spirituel, celui du mal face au projet de salut de Dieu. Le pape François nomme souvent le diable dans ses prises de parole. Ignorer la puissance maléfique serait faire preuve d’une grande naïveté. Le démon veut mener l’homme à sa mort définitive, l’enfer, et il s’y emploie avec acharnement. Le salut obtenu par le Christ lui est insupportable tout comme la miséricorde divine. C’est pourquoi saint Paul demande que nous prenions les armes du combat spirituel, que nous soyons équipés tel un légionnaire partant en guerre. Ne l’avons-nous pas oublié, imaginant un monde spirituel uniquement bienfaisant, fait d’anges et de saints ? Nos contemporains sont à la recherche d’une spiritualité du bien-être terrestre. Or c’est en lisant l’Écriture sainte que nous comprenons combien ce combat est acharné et que son champ de bataille est notre humanité. Le mal et les abus sont répandus dramatiquement dans de nombreuses familles où l’amour et la protection devraient être assurés à tout enfant. L’impudicité a perverti la société civile, mais aussi l’Église. Se purifiant de ces abus, sera-t-elle à nouveau crédible pour annoncer le salut et l’amour de Dieu ? Oui, nous l’espérons, car tant de personnes recherchent Celui qui peut leur apporter vie et bonheur éternel, et c’est le Christ. Oui nous sommes des êtres très fragiles, soutenus par la grâce divine, à condition d’être unie à elle. Ce ne sont pas d’abord des discussions et des recettes techniques qui nous préservent du mal, mais « cette puissance extraordinaire qui appartient à Dieu et qui ne vient pas de nous » (2 Co 4,7). Elle nous est communiquée par les sacrements et l’adoration priante aux pieds de Jésus. Elle a besoin de notre fraternité en Jésus-Christ. Elle se renouvelle par le pardon sacramentel reçu dans la confession. Les abus de tout genre appellent une conversion à redemander souvent comme une grâce. En ces jours d’Avent qui nous offrent de regarder l’enfant Jésus embrassant la précarité humaine, nous demandons la sagesse afin de retrouver la sérénité et d’offrir un avenir à nos jeunes qui sont inquiets face aux questions d’avenir.

Le temps de l’Avent nous donne l’occasion de prier plus intimement dans l’esprit de Bethléem. Prions pour ceux et celles qui souffrent des abus. Prions pour recevoir d’en-haut le discernement. Prions pour que notre société trouve la voie de la lumière, l’enfant de la crèche, Jésus.

Marie, douce lumière, porte du ciel, temple de l’Esprit,
Guide-nous vers Jésus et vers le Père,
Mère des pauvres et des tout petits.

Bénie sois-tu, Marie ; ton visage rayonne de l’Esprit.
Sa lumière repose sur toi. Tu restes ferme dans la foi.

Bénie sois-tu, Marie ; en ton sein, tu portes Jésus-Christ,
Le créateur de tout l’univers, le Dieu du ciel et de la terre.