#201 « À cause de mes frères et de mes proches, je dirai : Paix sur toi ! »

Ce verset vient du psaume 121, et nous invite à annoncer la paix à notre monde. En chaque eucharistie, comme évêque, je commence par souhaiter la paix pour le peuple avec qui je célèbre : « la paix soit avec vous ! ». C’est un vœu et aussi une grâce que j’appelle au nom du Seigneur sur vos vies. Jésus demande que nous entrions dans une maison en disant « paix sur cette maison » (Lc 10, 5). Notre vocation baptismale nous appelle à être des porteurs de paix. Or la paix pour nous a un nom : Jésus. Jésus est notre paix. Le temps de la Nativité est particulièrement celui de la paix, une paix à demander, une paix à construire, une paix à protéger.

Dimanche prochain, nous entrerons dans l’Avent. Ce sera l’occasion de nous ressaisir du mystère tellement incroyable de l’Incarnation. Il est bon de se demander ce qu’il est afin d’en comprendre la profondeur. Dans le passé, Dieu avait accompagné le peuple qu’il avait choisi en suscitant Abraham comme premier bénéficiaire d’une alliance éternelle et d’une révélation nouvelle. Dieu se fit connaître comme unique et père. Mais l’itinérance de ce peuple, nos frères et sœurs juifs, fut difficile, marchant souvent dans la fidélité à la loi donnée à Moïse mais abandonnant parfois la promesse sous l’influence culturelle ou politique des grands peuples alentour. C’est donc une nouvelle alliance qui s’ouvre avec la venue du Verbe divin, la Parole de Dieu, par l’action du Saint Esprit, dans le sein maternel d’une jeune fiancée, une juive, la vierge Marie de Nazareth. C’est elle, par son oui plénier au plan de Dieu, qui ouvre une nouvelle ère. Jésus naît de son sein, elle le nourrit et l’éduque avec son époux Joseph, jusqu’à sa vie publique qu’il inaugure à l’âge de trente ans.

L’Avent nous permet de vivre avec Marie un itinéraire d’accueil de la demande divine, il nous fait connaître quelques personnages importants proches de cette famille comme Élisabeth et Zacharie, et Jean le Baptiste leur fils. Nous vivrons quatre semaines dans l’attente discrète et presque secrète de l’enfant nouveau-né, nous décorerons nos foyers en mettant la crèche, nous méditerons les textes bibliques qui annoncent son arrivée, nous nous préparerons à devenir toujours plus des foyers de prière pour que Jésus y reçoive la place centrale. C’est un temps de paix que je vous souhaite, et il nous est particulièrement demandé de prier à cette intention. Si le monde extérieur décore l’espace publique d’une abondance de lumières et de décors, certes modérés par la nécessité de limiter la consommation d’énergie, nous savons que la fête de Noël est celle de la simplicité, de la famille, de la joie d’être ensemble pour prier et nous retrouver. Il n’est point besoin d’une surenchère de cadeaux lorsque l’on connaît la valeur de la fraternité et de la famille. Notre cadeau c’est la communion fraternelle reçue d’en-haut et fortifiée par notre prière. Peut-être faut-il rappeler la belle encyclique du pape François, Fratelli tutti, qui affirme la centralité de la fraternité non seulement dans la vie de l’Église mais aussi pour la société civile. Pourra-t-on étendre cette fraternité de manière concrète avec les personnes que nous côtoyons au quotidien ? Sera-t-il possible de prendre un peu de temps d’écoute mutuelle, de prendre soin les uns des autres, comme une préparation à la fête de Noël ?

Notre foi chrétienne commence ainsi, par la douceur d’un foyer où un jeune homme, Joseph, prit chez lui sa femme, celle qui lui était promise avant qu’elle ne soit enceinte. Déjà il l’aimait et désirait vivre auprès d’elle une vie d’homme religieux et responsable. Sa maison, il l’avait bâtie lui-même avec son talent de charpentier pour qu’elle soit comme un havre paisible pour s’y reposer après les longues journées de travail. Or, un ange lui avait annoncé un tout autre projet divin : Marie était enceinte avant la vie commune. Que dire et que faire devant ce fait si troublant mais qui n’atteignait pas la confiance qu’il avait envers elle ? Il eut un songe. Dieu lui-même lui envoya un messager pour qu’il entre pleinement dans son rôle de père pour ce petit enfant venu par la puissance du Saint Esprit. L’ange lui avait dit « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint » (Mt 1,20) Il avait accepté et méditait souvent ce mystère. Les psaumes formaient le socle de sa prière. Il les récitait en coupant les planches, en montant ses charpentes. Il était troublé sans doute, mais impatient de voir Marie devenir mère. Il savait que Marie avait dit oui à l’appel d’un ange. Son oui n’avait jamais été mis en question depuis lors. Le oui de Marie devenait son oui à lui, un oui conjugal. Oui, il voulait vivre aux côtés de Marie et accueillir cet enfant bien mystérieux. Il le protégerait, l’éduquerait et lui apprendrait tout ce qu’un homme doit connaître. Dieu montrerait le chemin, il en était sûr. Jour après jour, Marie découvrait combien Joseph était l’époux vaillant et fidèle qu’elle avait reçu comme trésor pour vivre le projet divin qui la dépassait totalement. Ensemble, ils répondaient pleinement à Dieu, leurs deux vies maintenant intimement consacrées au service du Seigneur. Le oui de Marie formulé une première fois à Nazareth serait dorénavant un oui éternel, pour le salut de l’humanité.

Durant ces semaines de l’Avent, quel sera notre oui à l’invitation de Dieu ? Par notre baptême, nous sommes associés à ce projet d’amour. C’est pourquoi, nous accompagnerons Marie et Joseph. Nous permettrons à Jésus d’être présent et nous l’annoncerons à nos proches. Loin de Hallowins ou Black Friday, nous célébrerons Noël, un vrai Noël fait de joies et de prières.

Comme la Vierge, nous souhaitons vivre « couvert par l’ombre du saint Esprit ». Laissons-nous inspirer pour vivre ce chemin de préparation vers Noël de manière simple et renouvelée. Commençons par préparer la maison pour notre vie spirituelle, concrètement, chez nous. Aménageons un espace pour prier et méditer les textes bibliques de la liturgie quotidienne. Nous pouvons lire dans la Bible le prophète Isaïe dont le message éclaire ce temps de l’Avent. Prions le chapelet pour obtenir la paix, avec une pensée pour ces familles vivant en Ukraine dans le froid sur ces lieux de guerre. Installons notre crèche pour qu’elle soit le signe de la venue de l’enfant Jésus. Instruisons les enfants de ce mystère. Enseignons-leur les textes des évangiles de l’enfance que nous rapportent les évangélistes Matthieu et Luc. Prenons le temps de quelques rencontres avec des proches isolés et fragiles. Vivons chrétiennement ce moment précieux.

L’Église est soutenue par nos communautés et familles priantes. La vie est un don de Dieu et Noël nous dit que Jésus est venu la partager avec chacun. Il nous fait espérer par sa présence. Son évangile nous apporte, lorsque nous le méditons, la sagesse et la tranquillité d’âme. Sa parole est comparée par saint Paul au glaive de l’Esprit. Ce n’est pas une arme violente que Jésus veut que nous utilisions. Sa sagesse passe par la douceur. Il a mis sa loi en nos cœurs. Cependant il est possible que sa parole nous transperce le cœur, bouleverse notre discernement, nous indique une voie nouvelle pour aimer et servir. Jésus nous demande d’écouter l’Esprit qui nous parle dans le silence de la prière. « Venez ! montons à la montagne du Seigneur, à la maison du Dieu de Jacob ! Qu’il nous enseigne ses chemins, et nous irons par ses sentiers. » (Is 2, 3) À l’écoute de ses motions intérieures, à l’instar de Marie et de Joseph, écoutons et dialoguons avec Jésus en priant. Mettons-nous à son écoute, il nous parlera. Comment est-ce possible ? Cela demande un lieu de paix, un temps de silence, sûrement une quinzaine de minutes, la méditation d’un passage biblique, puis une écoute silencieuse en soi, en taisant toutes nos demandes pour que puissent jaillir quelques motions intérieures. Parfois, rien ne vient. D’autres fois, voici qu’une idée, un mot, une phrase biblique remontent à la surface, Dieu nous dit quelque chose à garder, à laisser grandir, pour en être inspiré. Là il est bon de noter car l’oubli est possible et ces mots trouveront sens et indiqueront la voie.

Maintenant prions pour la paix dans nos familles et nos communautés.

Seigneur,
toi qui fais de la paix un don de Dieu pour les hommes,
accorde à notre famille cette paix sans laquelle il n’y a ni justice, ni amour, ni pardon.

Chasse loin de nous l’esprit de colère et de rancune.
Apprends-nous à être à l’écoute les uns des autres.

Que notre maison soit un havre de paix au milieu des tensions de ce monde.
À l’image de ton Église, que le Christ soit la source et le sens de notre vie
pour qu’il règne sur notre famille, lui, le prince de la paix.

Accorde à chacun de nous un cœur qui comprenne,
une oreille qui écoute, une main qui aide.

Que tous ceux qui viennent dans notre famille fassent l’expérience de la paix qui vient de toi.

Offre à nos enfants, par l’exemple de notre unité et de notre pardon en famille,
l’expérience de la paix qui feront d’eux des témoins confiants et unifiés.

Amen