#197 « Je pars vous préparer une place ! »
La fête de la Toussaint nous place face à l’énigme du devenir des êtres humains après la mort physique. Ce sujet est actuellement abordé en France dans le cadre du bien difficile débat sur la fin de vie et l’euthanasie. On y parle de la liberté de mourir dans la dignité. Les discussions sont vives, car le sujet est grave. La mort est certaine, et la crainte de mourir assez commune. Cependant, personne ne parle de ce qui se passe après la mort du corps. Emportera-t-on notre dignité dans la tombe, pour que peu à peu tout disparaisse avec la décomposition ? Ou au contraire, ce qu’affirment certaines religions, il y aurait un après la mort, une vie qui continuerait ou qui recommencerait ?
La Toussaint est une fête catholique dont l’objet n’est pas la mort mais la sainteté des personnes qui ont vécu dans la foi en Jésus-Christ, qui sont décédées et que nous affirmons être au Ciel, vivantes et actives pour intercéder auprès de Dieu le Père en vue d’apporter un soutien aux hommes sur Terre. Nous honorons les saintes et les saints qui ont concrètement mis en œuvre les évangiles y puisant une force, une source de consolation et d’inspiration pour une vie toujours plus conforme à celle que propose Jésus. Ils furent des êtres de lumière ici-bas pour vivre dans la pleine lumière de l’au-delà, soit en Dieu. Nos vies sont accompagnées par ces saints comme ils en eurent eux-mêmes l’intuition car souvent ils vivaient leur vie humaine en présence du Ciel. Rappelons-nous les mots de sainte Thérèse de Lisieux « je passerai mon Ciel à faire du bien sur la Terre. » Les saints et les saintes sont les plus authentiques vivants, ceux qui malgré leur faiblesse et leur péché, ont choisi de mettre de la lumière et de la vie dans toutes leurs relations humaines, éduquant et enseignant, consolant et soignant toutes personnes.
Aussi, parlons un moment de ce que nous nommons les fins dernières. Que se passera-t-il pour nous lorsque nous passerons de vie à trépas ? À la lumière des saintes écritures, l’Église affirme que nous vivons une seule vie, ce qui exclut la croyance en la réincarnation. Nous avons une seule vie terrestre pour nous préparer à la Vie éternelle. En effet, nous sommes à la fois corporels et spirituels. Nous sommes autant un corps qu’une âme et les deux sont totalement unis pour former notre personne humaine. Rappelons-nous la belle image de la Genèse (Gn 2), où il est dit que Dieu façonna l’homme avec la glaise du sol et lui insuffla son « haleine de vie » pour qu’il devienne un être vivant. À notre mort, notre corps va se décomposer, plus ou moins vite, mais notre âme, ce principe spirituel de vie, le quittera pour retourner à sa source, Dieu lui-même. Nous continuerons à vivre par notre âme qui est immortelle et dont la destinée est d’être en présence de Dieu.
Que se passe-t-il alors ? Rappelons que notre baptême nous a donné une vie nouvelle en Jésus-Christ, il nous a pardonnés de tout péché, nous a configurés comme enfants de Dieu, et nous a rachetés en vue de la vie éternelle. Cette dernière nous est promise et affirmée par le dogme de la Rédemption. Sur terre, nous sommes des êtres libres, destinés à faire le bien, mais capables du mal. La grâce divine nous accompagne sous diverses formes, l’Esprit nous communique ses dons qui fortifient notre détermination à agir bien, mais cela n’ôte pas notre fragilité et les tentations. Ces dernières viennent quand nous succombons aux inspirations du mal, quand nous subissons nos addictions sans combattre. Ces tentations dans la vie de ceux et celles qui luttent en vue de la sainteté, viennent du démon, de Satan, qui cherche par tous les moyens notre chute. Il a connaissance que nos bons actes nous préparent au Ciel, et il ne veut pas notre félicité. Malheureusement, nos mauvais actes nous conduiront au jugement d’abord personnel puis définitif à la fin des temps. Ce premier jugement où nous rendrons compte de l’amour donné ou de l’amour refusé peut nous ouvrir la voie du Ciel avec un temps de purification appelé purgatoire, mais à l’inverse nous mener en enfer, l’état de séparation absolue d’avec Dieu. Le purgatoire est une purification de l’âme et c’est la raison de nos prières pour nos défunts ainsi que la célébration de messes dites pour les accompagner. Cette idée de prier pour eux vient du livre des Maccabées, où après une bataille militaire il fut constaté que les soldats morts portaient des amulettes, s’étant ainsi rendus coupables d’idolâtrie.
Notre futur c’est le Ciel, et nous décidons avec la grâce de Dieu d’en prendre le chemin. En réalité, nous saisissons bien peu de choses de la réalité du Ciel. Le livre de l’Apocalypse révèle comment les hommes sauvés portent le vêtement des noces éternelles lavé dans le sang de l’agneau qui est le Christ mort et ressuscité, et ils chantent la louange du Seigneur, Dieu de l’univers. Nous reprenons ces chants à la messe après la préface par le Sanctus. Cependant la réalité du Ciel dépasse notre compréhension. Jésus dit qu’il nous y prépare une place personnelle. Les âmes ne seront donc pas noyées dans un océan impersonnel, mais s’y trouveront dans une communion d’amour en présence de Dieu. Cela est vraiment désirable et nous devrions faire tout notre effort pour nous y préparer, car c’est pour bientôt. Nous n’avons qu’un temps limité pour réaliser notre vie et donner le meilleur pour contribuer au Royaume de Dieu par notre charité active et notre travail zélé.
Ajoutons quelques commentaires sur une réalité difficile à appréhender, l’enfer. Ce n’est pas un lieu mais un état définitif, d’où l’on ne revient pas, comme l’expérimente le riche de la parabole du pauvre Lazare. Jésus prévient ses auditeurs du risque de se voir « jeter dans la géhenne », là où sont les pleurs et les grincements de dents. Le propre de l’enfer semble être le contraire du Ciel, soit la désunion totale, l’absence de toute communion, la séparation de tous les êtres, la solitude éternelle source d’une infinie douleur. C’est le refus du pécheur de se laisser pardonner et convertir qui le mènera en enfer. C’est lui et lui seul qui s’y jettera comme au fond d’un puits profond. « Je ne prends plaisir à la mort de personne » dit Dieu, mais qu’il vive (Ez 18,32). À l’homme appartient la liberté d’utiliser sa raison pour se tourner vers Dieu et implorer son pardon, avant qu’il ne soit trop tard. Nous ne savons pas qui sera en enfer, car c’est dans l’intime de la relation avec son créateur que chacun de nous choisira son destin, la mort définitive si l’orgueil prédomine et a le dernier mot, le salut si l’humilité et la contrition prennent le dessus en implorant Dieu pour sa miséricorde. L’homme serait-il capable de refuser la main tendue de son créateur ? L’orgueil est-il une prison qui conduirait l’âme à rejeter l’amour ? Qui peut le dire ?
Il est merveilleux de penser que nous avons un avenir au-delà de la mort physique et que le cœur de Dieu est infiniment vaste pour nous accueillir chacun. Saint Paul écrit que « notre foi au Christ nous donne l’assurance nécessaire pour accéder auprès de Dieu en toute confiance » (Eph 3, 12). La vie spirituelle vise à expérimenter déjà ici-bas ces grâces célestes par la charité vécue en présence de Dieu Trinité. Mais surtout elle est la voie royale pour nous mener vers la vraie Vie qu’est la vie éternelle. Réjouissons-nous souvent d’avoir été enseignés et de croire que cela est vrai. Demandons au Saint Esprit qu’il nous inspire l’assurance que le chemin est là. Jésus-Christ nous a libéré de la fatalité du mal et du péché. Nous ne sommes pas déterminés par avance, au Ciel ou à la damnation, mais nous avançons avec l’Espérance, tendus vers le but, confiant en la miséricorde merveilleuse de Dieu.
Puis-je vous engager à vivre la fête de la Toussaint avec cœur et profondeur, par la sainte messe, et la prière en nous tournant vers ces saints que nous aimons ? Pourquoi ne pas relire une biographie d’un saint qui nous enseigne ? Le lendemain, le 2 novembre, ce sera le jour de la prière pour nos défunts. En effet, ceux qui se sont endormis dans la mort espèrent notre prière et nos messes célébrées pour leur salut. Nous les accompagnons. Si cela est possible, il est heureux de se rendre dans les cimetières pour embellir et nettoyer les tombes de nos proches, prier et faire mémoire de tout l’amour que ces personnes nous ont apporté de leur vivant. Pour honorer leur mémoire, elles nous laissent le testament de leur vie que nous pourrons continuer à faire fructifier.
Prions les uns pour les autres, en nous tournant vers les saints. Je vous propose en guise de prière les belles paroles d’un chant tout à fait adapté à cette fête.
Les saints et les saintes de Dieu
S’avancent vers le roi des cieux,
Par leurs hymnes de joie
Ils célèbrent sans fin celui qui donne vie !
1 – Je vis la gloire de Dieu revêtue de sa puissance.
Devant lui se tient une louange éternelle :
Saint, saint, saint le Seigneur !
2 – Je vis paraître ton Fils resplendissant de lumière.
Il est le Seigneur, le sauveur de tous les hommes :
Saint, saint, saint le Seigneur !
3 – Je vis descendre des cieux l’Esprit qui rend témoignage.
Par ce don gratuit, nous devenons fils du Père :
Saint, saint, saint le Seigneur !